L'agneau
La viande d'agneau est de plus en plus populaire.
Elle nous vient de la Nouvelle-Zélande, de l'Ouest
canadien et, de plus en plus, d'ici même au Québec.
Mais « l'agneau du Québec » est-il
toujours élevé au Québec? L'agneau frais
de la Nouvelle-Zélande l'est-il vraiment? L'épicerie
a obtenu des réponses surprenantes.
Nous sommes d'abord allés visiter la ferme de Jean
Denis Pelletier : La bergerie des cantons. « Ça
fait maintenant trois ans que je suis en production, raconte-t-il.
J'ai commencé graduellement avec une centaine de
brebis. On a 350 brebis actuellement. La demande est
là. C'est un beau produit à mettre en marché.
C'est encourageant. »
Comme
bon nombre de producteurs d'agneaux au Québec, Jean
Denis Pelletier a toutes les raisons du monde d'être
encouragé. Au Québec, l'agneau connaît
une popularité incontestée. Plus de deux millions
de personnes en mangent au moins une fois par année.
Avec ses 1300 producteurs, le nombre d'ovins que l'on
retrouve dans les fermes du Québec a augmenté
de 75 % en 10 ans.
Les producteurs du Québec fournissent actuellement
près de 40 % du marché de la viande d'agneau.
Les autres agneaux proviennent de la Nouvelle-Zélande,
de l'Australie et des autres provinces canadiennes, principalement
l'Ontario et l'Alberta.
Les
Bélanger sont bouchers depuis quatre générations.
Ils écoulent l'équivalent de 30 à
40 agneaux par semaine. Ce qui garantit à Marc
Bélanger, de la Boucherie Bélanger et fils,
que son agneau provient bien du Québec, c'est qu'il
fait directement affaire avec les producteurs : « Mon
agneau, je le prends du groupement de l'Estrie. Un des éleveurs
m'a offert une stabilité dans le produit et un approvisionnement
régulier. Avant, notre agneau venait d'un peu partout.
On faisait affaire avec des distributeurs qui ne nous garantissaient
pas la provenance du produit. Et encore aujourd'hui, [la provenance]
n'est pas vraiment indiquée ».
L'agneau du Québec... qu'est-ce à dire?
Quand
on parle « d'agneau du Québec »,
à quoi fait-on référence exactement?
Voici comment le définit Jean-François Samray,
directeur de la Fédération des producteurs d'agneaux
et de moutons du Québec : « Un agneau
du Québec est né, élevé et abattu
au Québec ».
Il
existe des étiquettes de la Fédération
indiquant que l'agneau vient du Québec. Est-il obligatoire
d'apposer ce logo sur la viande? « Ce n'est
pas obligatoire, répond M. Bélanger.
Ce sont les producteurs de l'Estrie qui m'ont donné
ces étiquettes-là pour pouvoir faire, entre
autres, leur promotion. La pose des étiquettes n'est
pas du tout surveillée. »
Si personne ne surveille la pose de ces étiquettes,
est-on certain d'acheter de l'agneau du Québec? Est-il
possible que, dans le passé, et encore maintenant,
un agneau soit importé, puis abattu au Québec,
et profite donc de l'appellation « agneau du Québec »?
M. Samray ne nie pas cette réalité :
« Écoutez, c'est une réalité
qui va en diminuant. Il est vrai que les règles le
permettaient jadis. Ça se fait de moins en moins. On
a des gens qui nous écrivent. Il y a deux mois, une
dame nous a écrit en nous disant : "Regardez,
j'ai acheté de l'agneau du Québec, du moins,
c'est ce qui était écrit sur l'étiquette
collée dessus. Je l'ai ouvert et retourné de
côté, et c'était écrit "Nouvelle-Zélande" ».
La
loi québécoise n'est pas claire à ce
sujet. « On peut recevoir des plaintes de ce
genre, nous dit Daniel Tremblay, directeur à la
normalisation et appui à l'inspection des aliments
au ministère de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation du Québec. Parce que la loi
sur les produits alimentaires est principalement une loi à
caractère "innocuité et salubrité".
C'est certain que la loi couvre une partie de que ce qu'on
appelle, nous, "la loyauté des ventes" :
si une allégation dit que c'est un produit comme un
"agneau du Québec" ou un produit "biologique",
ou autre, et qu'on reçoit des plaintes, on peut faire
des vérifications. Dans le cas qui nous concerne, l'agneau
du Québec, étant donné que ce sur quoi
on peut s'appuyer pour dire que c'est vraiment de l'agneau
du Québec n'est pas défini clairement, pour
nous, c'est assez difficile de faire une intervention. Est-ce
que le simple fait d'être abattu au Québec est
suffisant? Notre loi ne le spécifie pas. »
Mais les producteurs d'agneaux du Québec s'organisent
pour améliorer la situation, selon M. Samray :
« On travaille pour avoir un agneau du Québec
"certifié" pour assurer une traçabilité.
Les abattoirs vont être obligés de signer une
convention disant qu'ils ne s'approvisionnent qu'avec de l'agneau
du Québec. Nos classificateurs vont prendre note de
toutes les carcasses et les estampiller ».
Comment reconnaître l'agneau du Québec?
Comme il n'existe aucune réglementation, appellation
ou certification officielle concernant l'agneau du Québec,
comment peut-on s'y retrouver?
Agneau du Québec
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Agneau de
la Nouvelle-Zélande
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Comme ailleurs
au Canada, on utilise surtout une espèce de brebis
et d'agneau dite « bouchère »,
dont la laine est inutilisable. |
Les bêtes sont choisies principalement pour la
qualité de leur laine et de leur lait.
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Les bêtes
sont élevées en bergerie et nourries de
grain et de fourrage, sauf pour l'agneau de lait qui est,
bien sûr, nourri au lait maternel. |
Les bêtes se nourrissent du pâturage
où elles sont élevées.
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Outre
ces différences d'espèces et d'élevage
qui auront une influence sur le goût et la texture de
la viande, c'est principalement l'âge de la bête
à l'abattage qui joue un rôle déterminant.
Dans l'Ouest canadien et en Nouvelle-Zélande, on les
abat en moyenne à six mois, alors qu'au Québec,
on les abat en moyenne à quatre mois. Plus l'agneau
est âgé, plus son goût sera prononcé.
Tout cela est bien beau, mais comment s'y retrouver lorsqu'on
a plusieurs côtelettes en face de soi, au supermarché
ou à la boucherie?
L'agneau de l'Ouest canadien par
rapport à
l'agneau du printemps de la Nouvelle-Zélande
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Agneau de l'Ouest
canadien
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Agneau du printemps
de la Nouvelle-Zélande
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« Vous pouvez
voir la grosseur de la côtelette de l'agneau de
l'Ouest canadien par rapport aux autres. C'est un agneau
qui était très lourd. Le gras est plus développé,
le goût fort va être là. Si on regarde
son filet (la partie intérieure, la "viande"),
par rapport à la côtelette de l'agneau du
printemps de la Nouvelle-Zélande, c'est le jour
et la nuit. L'agneau de l'Ouest canadien devait avoir
entre sept et huit mois quand il a été abattu. » |
L'agneau de lait du Québec
par rapport à l'agneau du Québec
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Agneau de lait du
Québec
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Agneau du Québec
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« Si on parle
de l'agneau de lait du Québec, on peut voir que
la chair est plus rosée que l'autre agneau du Québec.
Les fibres sont moins grosses. Il y a aussi moins de nervures
de gras à l'intérieur. C'est donc un agneau
beaucoup plus jeune. Celui-ci a environ deux mois, deux
mois et demi. » |
La provenance de l'agneau n'a pas une grande influence sur
les prix. Ce qui fait la différence, c'est si l'agneau
est surgelé, ou s'il est frais. L'agneau frais a tendance
à être nettement plus cher.
Qu'est-ce que de l'agneau « frais »?
La
définition de « frais » est assez
élastique, nous dit M. Tremblay : « Agneau
frais, ça veut dire qu'il n'a jamais été
congelé. Tout simplement. Il peut venir de n'importe
où, mais il est "frais". Il est à
l'intérieur de la date "meilleur avant",
habituellement. Espérons-le ».
Les promoteurs de l'agneau du Québec ajoutent, eux,
une notion de temps à cette définition. Selon
M. Bélanger, « un agneau
frais, ça veut dire que c'est un produit qui a été
abattu d'abord dans les normes, et qui a été
livré dans les quelques jours disons, 2 à
3 qui suivent son abattage ».
Nous
retrouvons aussi, sur le marché, de l'agneau frais
de Nouvelle-Zélande qui arrive par conteneurs réfrigérés
et sous atmosphère contrôlée. « Dans
ce cas-là, affirme M. Samray, on parle
d'un agneau qui a été abattu et qui prend environ
cinq semaines pour arriver ici par conteneur. Donc c'est un
agneau frais, oui, dans la mesure où on considère
frais un agneau qui a été abattu, qui a été
cinq semaines dans le conteneur, qui a été découpé
en usine à Toronto et qui s'en vient au Québec.
Si on s'entend pour appeler ça "frais", bien
il est frais de six ou sept semaines. »
« C'est très important, conclut
M. Bélanger, surtout pour la clientèle, de
savoir d'où provient le produit et de quelle façon
il a été élevé. »
« Bêêêêê!
Joyeuses Pâques! »
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