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Un système de notation des écoles sème la discorde au Tennessee

Des professionnels de l'éducation y voient une injustice envers les écoles publiques.

La façade d'une école.

L'école secondaire Green Hill, à Mont Juliet, au Tennessee.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Un système de notation par lettres pour les écoles : voilà ce qu'est en train d'implanter l'État américain du Tennessee, où l'assemblée législative est dominée par les républicains. Les écoles publiques seront dorénavant notées de la lettre A à la lettre F, notamment en fonction des résultats de leurs élèves et de l’amélioration de ceux-ci.

Cependant, ce système ne s'applique pas aux écoles privées. Parallèlement, le gouvernement du Tennessee a lancé un important programme de subventions pour l'inscription aux écoles privées. Ces réformes suscitent la consternation chez plusieurs professionnels de l'éducation, qui perçoivent une hostilité grandissante envers l'école publique.

L’école secondaire Green Hill ne devrait pas tellement pâtir de ce nouveau système. Cet établissement qui a ouvert ses portes en 2020 est situé dans une banlieue cossue et blanche de Nashville. Ce que j'en comprends, c'est que nous allons obtenir un B, explique le dynamique directeur Kevin Dawson, rencontré dans son bureau.

Il affirme qu'il voit bien l’idée d’un tel système, mais il a des réserves. Il y a beaucoup de façons de mesurer l'efficacité en éducation. Est-ce l'amélioration des élèves? Leur réussite aux examens?

Un homme sourit pour la photo.

Le directeur de l'école secondaire Green Hill, Kevin Dawson, croit que son école obtiendra au moins un B.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Les quatre critères selon lesquels seront évaluées les écoles secondaires sont la réussite des élèves aux tests standardisés, leur amélioration globale, l'amélioration des 25 % les moins performants et le degré de préparation à la poursuite des études. Le premier critère, soit la réussite des élèves aux tests standardisés, compte pour la moitié de la note finale accordée aux écoles.

Ce ne sera pas représentatif de ce qu'une école est capable d'accomplir ou pas, regrette le directeur.

Des escaliers dans une école secondaire.

L'école secondaire Green Hill est presque neuve; elle a ouvert ses portes en 2020.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

La commissaire à l'éducation Lizette Reynolds a défendu le nouveau système en affirmant qu'il s'agit d'un outil de communication puissant pour les parents, qui leur permettra de mieux différencier les écoles. Kevin Dawson anticipe cependant des conséquences directes sur son école.

Ça aura assurément un impact sur les embauches et sur le moral. On obtient notre note à la fin de l'année. Il faut attendre toute une autre année scolaire pour réussir à la changer.

Plus riche, meilleure note?

C’est mon sujet de discussion préféré, lance d’entrée de jeu Mary Batiwalla lorsque nous la rencontrons. Elle a travaillé au département de l'Éducation du Tennessee pendant des années et y a occupé le poste de commissaire adjointe. À ses yeux, le système de notation par lettres constitue une aberration.

Je ne crois pas que c’est la bonne méthode pour améliorer nos écoles, affirme-t-elle d’abord d’un ton mesuré. Mais plus elle en parle, plus son indignation devient évidente.

Mary Batiwalla croit que ce système n'aidera pas les écoles à s'améliorer et elle anticipe une stigmatisation dans certains milieux. Le département de l'Éducation a réalisé des analyses prévisionnelles lorsqu'elle y travaillait. Les écoles qui obtenaient un A étaient celles qui accueillaient le moins d’élèves en situation de pauvreté, et celles qui obtenaient un F étaient celles qui en accueillaient le plus, affirme-t-elle.

Une femme sourit pour la photo.

Mary Batiwalla s'inquiète des conséquences du nouveau système sur les écoles qui servent une population en situation de pauvreté.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Et au Tennessee comme dans plusieurs autres États, la pauvreté touche davantage certaines communautés. Il y a une très forte corrélation entre le fait d’être en situation de pauvreté et le fait d’appartenir à une communauté historiquement mal servie, comme les élèves afro-américains.

Généreuses subventions pour aller à l’école privée

Le directeur de l'Association des professionnels de l'éducation du Tennessee, JC Bowman, a siégé parmi le groupe de travail qui a étudié le nouveau système de notation. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps là-dessus et nous n'avons jamais atteint un consensus, affirme-t-il.

Il déplore que le système soit mis en application malgré tout. Et il dénonce le fait que les écoles privées ne soient pas assujetties au même système.

Un homme sourit pour la photo.

JC Bowman estime que les débats concernant le nouveau système de notation ont été faits trop rapidement.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

D'autant plus que parallèlement à cette nouvelle notation des écoles publiques, le gouvernement du Tennessee a annoncé en novembre dernier un programme de subventions pour les parents qui veulent envoyer leurs enfants... à l'école privée. Ce programme offrira un montant pouvant aller jusqu'à 7000 $ par enfant et devrait devenir accessible à toutes les familles du Tennessee en 2025.

C’est un système qui existe pour dire : "Regardez, ces écoles publiques sont mauvaises. Vous ne voulez pas y envoyer votre enfant? Eh bien, vous avez maintenant accès à de l’argent des contribuables pour envoyer votre enfant à l’école privée de votre choix", peste Mme Batiwalla.

Tout comme JC Bowman, elle croit que les premières à bénéficier de ce nouveau paradigme seront les écoles privées chrétiennes. Il y a un motif religieux, affirme-t-elle.

Elle se base notamment sur l’exemple de la Floride, où la mise en œuvre d'un programme de subventions similaire a contribué à une hausse de près de 5 % du nombre d'inscriptions aux écoles de confession catholique, soit une des hausses les plus marquées au pays.

Selon l’organisme Step Up For Students, le nombre d’élèves qui ont eu recours à une subvention gouvernementale pour s’inscrire à une école privée catholique y a plus que triplé au cours de la dernière décennie.

Violette Cantin est lauréate de la bourse Expérimenter le journalisme à l'étranger de la Fondation de l'UQAM.

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