•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Bienvenue dans le monde des concours de beauté… pour enfants

Amy Taylor et sa petite-fille courent les concours de beauté dans tout le Tennessee. À 11 ans, Caitlyn a des dizaines de compétitions à son actif.

Caitlyn porte une robe et sourit pour la photo.

Caitlyn Taylor, 11 ans, participe à des concours de beauté depuis des années dans son État natal du Tennessee.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Samedi matin, dans la petite ville de Cookeville, au Tennessee. Des dizaines de jeunes filles enfilent leurs robes et font de légères retouches à leur maquillage, fébriles à l’idée de monter sur scène. Parmi elles : Caitlyn, 11 ans. Elle a enfilé ses talons hauts et sa longue robe turquoise. Une bonne couche de fond de teint couvre son visage.

Garde ton sourire. Un demi-sourire, ça ne fera pas l’affaire, lui lance sa grand-mère, Amy Taylor, alors que la jeune fille se consacre à ses derniers préparatifs avant sa performance.

Je vais faire de mon mieux pour garder mon sourire, lui répond la jeune fille d’un ton placide. Puis, elle va se placer sur le côté de la scène, en file derrière ses concurrentes. Le concours va commencer.

À écouter : le reportage radio de Violette Cantin sur ce sujet diffusé à l'émission Tout terrain.


Nous avons commencé à l’inscrire à des concours de beauté lorsqu’elle avait 10 mois.

Amy Taylor et sa petite-fille Caitlyn partagent une complicité et un amour évidents. Cela fait des années qu'elles parcourent le Tennessee pendant des fins de semaine entières pour que Caitlyn participe à des concours de beauté. À 11 ans, elle a des dizaines de compétitions à son actif, y compris au niveau national.

Caitlyn est la première fille dans la famille Taylor en presque 50 ans, explique Amy. Nous voulions être sûrs qu’elle sache qu’elle était une fille et qu’elle pouvait faire des activités féminines. La petite a commencé à participer à des concours de façon régulière à l’âge de six ans. Elle y prend part environ une fois par mois.

Amy et Caitlyn sourient pour la photo.

Amy Taylor et sa petite fille Caitlyn, 11 ans, une habituée des concours de beauté.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Or, cette activité peut devenir coûteuse, de l’aveu d’Amy. Mais c’est ma seule petite-fille, alors elle est plus gâtée. Le coût d'une fin de semaine de concours national peut facilement dépasser les 2000 $ et chaque robe coûte de 500 à 1000 $. Caitlyn en possède une dizaine.

Amy est dans son écurie.

Amy Taylor dans ce qu'elle surnomme son «écurie», qu'elle a installée dans sa cour. Des dizaines de robes et d'accessoires de concours de beauté y sont entreposés.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

La jeune fille affirme qu'elle adore cette activité. Les concours de beauté ne sont pas tellement une question de compétition : ils visent plutôt à se faire des amies et à s’amuser.

Ces concours l'ont aidée à avoir confiance en elle et à surmonter l'épreuve de la disparition de sa mère, décédée subitement de la COVID-19 il y a deux ans. Aux concours, il y a d’autres personnes qui vivent des moments difficiles. Je ne suis jamais seule.


Une salle à moitié vide.

Samedi matin à Cookeville, au Tennessee. Le concours Miss Christmas Spirit débute.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

De retour à Cookeville, où a lieu le concours local Miss Christmas Spirit, auquel participe Caitlyn. La compétition s'annonce féroce : elle est la plus jeune de sa division, qui réunit des filles âgées de 11 à 13 ans. Elle fait face à six concurrentes, un nombre inhabituellement élevé pour un concours local.

L’événement est organisé par Paige Seidel, 24 ans et propriétaire de trois circuits de concours de beauté. Aujourd’hui, les filles compétitionneront seulement dans la catégorie "beauté", nous explique-t-elle avant le début des compétitions.

Paige sourit pour la photo.

Paige Seidel est l'organisatrice du concours. « À chacun son activité. Nous n'avons pas de problème avec celle-là », répond-elle à ceux qui voudraient critiquer les concours de beauté pour enfants.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

La journée débute avec le groupe des 0 à 23 mois. Une vingtaine de bébés filles qui arborent robes et barrettes montent sur scène, tenues par leurs mères.

Et que doivent faire les candidates lors de leur performance? Elles vont seulement marcher sur scène, répond Mme Seidel. Plusieurs concours de beauté exigent que les concurrentes démontrent un talent spécial ou répondent à des questions d’entrevue, mais ce n’est pas le cas cette journée-là.

Plus de deux heures avant le début de sa catégorie, la jeune Caitlyn est déjà sur les lieux. Elle est passée au salon de bronzage la veille et est maintenant en train de se faire coiffer et maquiller.

Caitlyn se fait maquiller et coiffer.

Caitlyn en pleine séance de coiffure et de maquillage, quelques heures avant sa performance.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Le maquillage sera léger aujourd'hui puisqu'il s'agit d'un concours de type naturel. En plus des concours naturels, il y a les concours semi-glitz, où le maquillage peut être plus extravagant. Et dans les concours de type glitz, tout est permis, y compris les faux cheveux et les fausses dents, peu importe l'âge des concurrentes. Ceux-là, Caitlyn et sa grand-mère ne les fréquentent pas.

Le père de Caitlyn, Ryan, assiste exceptionnellement au concours. Que pense-t-il du maquillage sur le visage de sa fille de 11 ans? Ça peut être un peu beaucoup, parfois, répond-il en esquissant un sourire gêné.

C’est maintenant l’heure de l'exercice. Caitlyn et sa grand-mère vont à l’extérieur pour répéter sa prestation. Garde ton dos bien droit lorsque tu feras dos aux juges, répète Amy, tandis que sa petite-fille marche lentement, sourire figé aux lèvres, et enfile les demi-cercles en tenant sa robe d’une main.

Caitlyn marche vers sa grand-mère.

Caitlyn répète sa performance à l'extérieur sous l'œil attentif d'Amy. Elle avoue ne pas s'être exercée la veille.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin


Pendant ce temps, à l’intérieur, ce sont les enfants de 4 à 7 ans qui s’affrontent. On y rencontre par exemple la petite Carlie, cinq ans.

Sa mère, Tara Brown, concède qu’elle éprouve un certain malaise en ce qui concerne le maquillage que porte sa fille.

Je préfère quand elle est plus naturelle, mais parfois, je la laisse mettre un peu de maquillage. Quand elle était bébé et jusqu’à ses quatre ans, on ne lui en mettait pas. Mais maintenant, la plupart des filles dans sa catégorie d’âge sont maquillées. J’ai l’impression qu’elle obtient de meilleurs résultats lorsqu’elle en porte.

Carlie et Tara sourient pour la photo.

Carlie, cinq ans, pose avec sa mère, Tara Brown. La petite a remporté le titre de «Mini Suprême», soit la deuxième position de sa catégorie.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Un peu plus loin, Hope, sept ans, a enfilé sa longue robe blanche. La petite fille a une plateforme de bienfaisance dont elle fait la promotion lorsqu'elle participe à une compétition. La plateforme se nomme Hope aide les autres à se préparer pour l'excellence.

Au début, c'était juste du service communautaire : elle recueillait et distribuait des objets à des organisations comme Ronald McDonald, explique sa mère, Kate Hensley. Elle distribue maintenant des vêtements pour les élèves défavorisés à son école et elle a pour but d'étendre ce programme à au moins cinq autres écoles cette année.

Hope et Kate sourient pour la photo.

Hope participe à des concours de beauté depuis un an et demi. Sa mère, Kate Hensley, l'y accompagne toujours.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

À sept ans, c’est elle qui a pensé à tout ce projet? Oui, répond fièrement sa mère.

C’est une journée victorieuse pour les deux petites candidates : Hope gagne le titre de Grande Suprême, soit la première place parmi la vingtaine de candidates âgées de 4 à 7 ans, tandis que Carlie récolte celui de Mini Suprême, soit la deuxième position.

Hope sourit pour la photo avec sa couronne sur la tête.

Hope, sept ans, ressort du concours avec la couronne suprême.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Mais comment les juges départagent-elles les candidates? Nous jugeons des pieds à la tête, répond Sheila Holt, une des juges.

Nous évaluons comment sont les cheveux, le maquillage, la robe. Nous jugeons la beauté faciale, la personnalité et l'apparence générale sur 10. Il faut tout prendre en considération. Cette fille est-elle un 9,9, un 9,2 ou un 8,5? On regarde une fille pendant qu’elle est sur scène, ça dure environ une minute. Voilà comment on juge ces filles.

Les deux femmes sourient pour la photo derrière leur table.

Sheila Holt et Tabitha Lancaster sont les juges du concours. « Nous ne comparons pas les candidates entre elles, nous les jugeons une à la fois », assure Sheila.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin


Les concours de beauté demeurent populaires aux États-Unis, surtout dans des États du sud comme le Tennesse ou le Texas. Selon différentes sources, environ 250 000 femmes et fillettes y participeraient chaque année au pays. Mais de nombreuses critiques envers les concours réservés enfants se font entendre. Plusieurs parents croient par exemple que juger une petite fille sur son physique et lui faire porter du maquillage à un jeune âge est inapproprié.

Je crois que ce n’est pas différent de ce qu’on peut voir à une compétition de danse ou de meneuses de claque, rétorque Paige Seidel. À chacun son activité. Nous n’avons pas de problème avec celle-là. Ça donne aux filles quelque chose d’amusant à faire. Elles ne sont pas en train de faire quoi que ce soit de bizarre. Et elles gagnent de l’estime personnelle en montant sur scène devant une foule.

C'est là un avis que nuance Martina Cartwright, nutritionniste et professeure auxiliaire à l’Université de l’Arizona, qui a publié un article scientifique sur ce sujet.

Ce que j’ai observé chez plusieurs participantes, c’est qu’elles sont préoccupées par leur beauté et par le fait d’avoir l’air parfaite, peu importe ce que ça signifie pour elles. Leur réussite est fondée sur leur physique.

Baisse de leur estime d’elles-mêmes, apparition de troubles alimentaires… La chercheuse constate que les concours de beauté, surtout ceux où les candidates sont uniquement jugées pour leur beauté et non pour un talent quelconque, ont eu des conséquences négatives chez plusieurs ex-participantes.

J’entends souvent dire : "Oh, mon enfant de cinq ans adore ça, mon enfant de trois ans adore ça." Mais elles aimeront tout, peu importe ce que vous leur dites d’aimer! Ça fait partie de la psychologie des concours de beauté. Je pense que de nombreux enfants veulent plaire à leurs parents.

En France, les concours de beauté sont carrément interdits pour les enfants de moins de 13 ans. Au Québec, ils sont pratiquement inexistants, mais des circuits existent dans quelques provinces canadiennes.

Caitlyn maquillée et coiffée pour une photo professionnelle.

Amy Taylor a payé une séance photo professionnelle à sa petite-fille. Sur la photo, Caitlyn a 10 ans.

Photo : Gracieuseté d'Amy Taylor


Place à la catégorie des 11 à 13 ans. Amy Taylor est debout au beau milieu de la salle, fébrile. Je suis toujours nerveuse pour Caitlyn. Je veux qu’elle fasse de son mieux.

Caitlyn marche sur scène, pose ses mains sur ses hanches, fait quelques demi-cercles. Son sourire s’affaisse légèrement vers la fin de sa performance.

N’empêche, Amy paraît relativement satisfaite. Caitlyn n'a pas su garder son sourire autant qu'elle aurait dû, mais sa grand-mère s'y attendait.

Caitlyn discute avec sa grand-mère.

Aussitôt sortie de scène, Caitlyn fait une rétroaction sur sa performance avec sa grand-mère.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Caitlyn, par contre, est particulièrement dure envers elle-même. J’aurais pu faire beaucoup mieux, râle-t-elle, déçue d’avoir presque trébuché sur scène et d’avoir placé ses mains devant elle au lieu de les mettre sur les côtés.

Malgré sa déception, les juges lui accordent le prix des plus beaux yeux et de première suppléante, soit la troisième position. Amy est satisfaite du résultat, rappelant que sa petite-fille est dans une nouvelle catégorie d’âge.

Six jeunes filles qui portent des robes sont debout sur une scène.

Caitlyn n'était pas très fière de sa performance, mais elle a malgré tout obtenu le titre de première suppléante.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Caitlyn, elle, se rend à la table des juges, comme elle le fait après chaque concours. Elle leur demande ce qu'elle aurait pu faire mieux. Leur réponse : ses cheveux.

Rend-les plus lisses. Pour moi, c’était une distraction, lui assène la juge Sheila Holt.

La journée est maintenant terminée et Caitlyn a déjà les yeux rivés sur son prochain concours de beauté.

Ses objectifs? Garder mon sourire. Mieux marcher. Et avoir du plaisir.

Violette Cantin est lauréate de la bourse Expérimenter le journalisme à l'étranger de la Fondation de l'UQAM.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.