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Femmes arbitres au hockey : entre progrès et préjugés

Des arbitres croient que des progrès restent à faire pour améliorer la place des femmes dans ce milieu.

Une arbitre patine sur la glace pendant un match de hockey.

Éloïse Bissonnette est passionnée par le hockey et l'arbitrage. Elle est ici en action à l'aréna Caroline-Ouellette, à Montréal.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Éloïse Bissonnette est passionnée par le hockey. « Si je pouvais gagner ma vie avec l'arbitrage, je le ferais », dit-elle avec enthousiasme lorsque nous la rencontrons à l'aréna Caroline-Ouellette, dans le quartier Rosemont, à Montréal. Le match entre jeunes du secondaire qu’elle vient d’arbitrer cette journée-là s’est bien déroulée, mais ça n’a pas toujours été le cas.

J'ai commencé il y a trois ans. La première année a été assez compliquée, étant une fille qui commençait à arbitrer.

Elle a brièvement songé à quitter l’arbitrage : J'ai été beaucoup critiquée sur mon physique ou sur mon sexe. Mais cette année, ça va bien.

Éloïse est l’une des rares femmes à arbitrer sur les patinoires du Québec : selon des données transmises par Hockey Québec, il y a environ 4451 officiels dans la province, dont 212 femmes. Elles comptent donc pour un peu moins de 5 % du total, ce qui représente néanmoins une légère augmentation par rapport à la saison précédente.

Des plafonds de verre brisés

L'année 2024 a marqué une avancée importante pour la place des femmes en arbitrage : la nouvelle Ligue professionnelle de hockey féminin, qui remplit les arénas depuis le mois de janvier, nous indique par courriel que son bassin d’arbitres comporte une majorité de femmes (36 sur 68).

Dans les dernières années, une première femme est devenue arbitre dans la Ligue de hockey junior Maritimes Québec (LHJMQ). D’autres ont réussi à percer la Ligue américaine de hockey. Toutefois, aucune femme n’a encore arbitré un match dans la Ligue nationale de hockey (LNH).

Les mains sur les hanches, elle observe l'action.

Élizabeth Mantha est devenue la première femme à arbitrer dans la LHJMQ, en 2022.

Photo : Gracieuseté : LHJMQ

Nous avons interviewé neuf arbitres québécoises actives. Elles sont unanimes : la majorité des parties qu'elles arbitrent se déroulent très bien et leur expérience est en général positive. La majorité d’entre elles croient cependant que des progrès restent à faire pour améliorer l’expérience des femmes en arbitrage.

C’étaient des insultes et des commentaires sexistes

Éloïse Bissonnette garde un souvenir particulièrement vif d’une partie au début de sa carrière.

C’était un match qui se déroulait normalement. Un coach n’a pas été content, et il s'est mis à me traiter de pute. Ça a pris 10 minutes avant qu'on puisse reprendre le match, parce que le coach m'insultait. On l'a sorti, puis on a fait un rapport là-dessus.

Une femme sourit à la caméra.

Éloïse Bissonnette raconte avoir enduré plusieurs commentaires sexistes dès ses débuts en arbitrage.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Elle constate qu’on ne lui adresse pas les mêmes injures qu’à ses collègues masculins.

Une fille, on va l’insulter sur la personne qu'elle est, sur son sexe en général, comme me faire traiter de salope, tandis qu'un gars, on va le traiter d'aveugle parce qu'il n'est pas capable de voir le match.

Une citation de Éloïse Bissonnette, arbitre

Cet événement trouve un écho chez Daphnée Lemay, qui a commencé à faire de l'arbitrage à l'adolescence.

C'était aux championnats provinciaux masculins, l'an dernier. Du moment que j'ai mis le pied sur la glace, les commentaires sexistes ont commencé, et ils n'ont pas arrêté jusqu'à tant que je mette mes pieds en dehors de la glace. C’étaient des insultes et des commentaires sexistes, comme quoi je n'avais pas ma place là, que je devais retourner dans le hockey féminin.

Elle raconte qu'elle a dû être escortée jusqu'à la chambre d'arbitres, puisque des parents mécontents voulaient la suivre. Mais, comme sa collègue Éloïse Bissonnette, elle salue la réaction de sa fédération. Hockey Québec a réagi très rapidement. La situation était inacceptable pour eux. Il y a eu des rapports qui ont été écrits.

On a travaillé fort pour ça

Avec le programme provincial féminin, c'est vraiment plaisant. L'ambiance est super le fun entre les arbitres, fait valoir Laurie-Anne Ethier, arbitre depuis deux ans.

Toutefois, comme d'autres arbitres interviewées, elle affirme que les commentaires sexistes ou les attitudes méfiantes de certains collègues sont monnaie courante.

C'est sûr que dès qu'on retourne dans notre région et qu'on est avec les arbitres hommes, c'est plus difficile de s'intégrer, de faire sa place. Chaque fois que j’arrive, il y a comme une anxiété qui se crée [...] à cause des nombreuses fois où je suis rentrée dans la chambre et que je me suis fait "challenger" ou remettre en question, raconte-t-elle. Je me dis qu’il va falloir que je ne fasse pas d’erreurs pour leur prouver que j’ai ma place.

Une femme sourit à la caméra dans un aréna.

Malgré certaines attitudes sexistes qu'elle raconte avoir observées chez des collègues, Laurie-Anne Ethier a une passion pour le hockey qui est «trop ancrée» en elle pour qu'elle songe à abandonner l'arbitrage.

Photo : Radio-Canada / Violette Cantin

Arbitre depuis une décennie, Annabelle Marcotte sent parfois du scepticisme chez ses collègues. On part souvent avec des points en moins. Il faut tout le temps prouver que ce n’est pas juste parce qu’on est une femme qu’on est capable de se rendre où on est, qu’on le mérite aussi. On a travaillé fort pour ça.

Pas de plaintes pour sexisme répertoriées

Le directeur de la division Arbitrage, sécurité des joueurs et joueuses et réglementation à Hockey Québec, Stéphane Auger, se réjouit de la visibilité grandissante des femmes dans l’arbitrage des parties.

Il y a tellement d'opportunités pour les filles, et il y a beaucoup d'efforts qui sont faits pour s'assurer que les opportunités sont les mêmes, dit-il. Les stages de haute performance, les assignations, les camps de développement : tout est fait pour ouvrir la porte aux arbitres féminines.

Stéphane Auger souligne par ailleurs que le bassin d'officiels qui veulent arbitrer des matchs de hockey masculin est beaucoup plus grand que pour le hockey féminin à l'échelle nationale, ce qui accroît la compétition.

Mais les opportunités sont créées et la jeune fille peut en avoir au niveau masculin, précise-t-il.

Auger intervient auprès de deux joueurs après une pénalité à Kaberle, des Leafs.

Stéphane Auger a arbitré pendant plus d'une décennie dans la LNH.

Photo : Reuters / Brian Snyder

Hockey Québec dit ne pas avoir connaissance de plaintes qui auraient été déposées précisément pour conduites ou propos sexistes. Ce n’est pas une préoccupation, ce n’est pas quelque chose qui nous est rapporté, poursuit M. Auger.

La fédération constate plutôt des cas d’abus verbaux qui peuvent être dirigés autant vers les arbitres hommes que vers les femmes.

Est-ce qu'il y a [des femmes arbitres] qui ont vécu des épreuves particulières? Probablement. Je ne peux pas vous donner de cas précis. Mais c'est certain que quand tu arrives dans le milieu de l'arbitrage au hockey, ce n'est pas évident, que tu sois un gars ou une fille.

Une citation de Stéphane Auger, directeur, Arbitrage, sécurité des joueurs et joueuses et réglementation, à Hockey Québec

Le chercheur au Laboratoire de recherche pour la progression des femmes dans les sports au Québec de l'Université Laval Lou St-Pierre pense plutôt qu’il faut documenter le phénomène.

Il existe des violences genrées que seules les femmes et, jusqu'à un certain point, les minorités sexuelles et de genre aussi vont vivre. Si on ne les nomme pas, si on juge que cela ne fait pas partie de la discussion, on a déjà un problème. Il faut aussi prendre en compte comment ça se fait qu'on a aussi peu de femmes.

L’arbitre Daphnée Lemay, quant à elle, a espoir que la place des femmes en arbitrage continuera de croître.

Il y a beaucoup de petites filles qui viennent me voir et qui me posent des questions sur l’arbitrage, dit-elle. Elles savent que c’est possible, que ce n’est pas juste pour les hommes… Plus on va avoir de femmes, plus ça va inspirer les plus jeunes aussi.

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