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Affaire Stormy Daniels : gros plan sur le premier procès criminel de Trump

Un ex-président en quête d'un deuxième mandat qui insulte le juge et le procureur, une ancienne vedette du porno et une ex-playmate qui allèguent avoir été ses maîtresses, un ex-avocat qui a fait de la prison, un tabloïd aux pratiques douteuses, des paiements secrets : voilà la toile de fond colorée et sulfureuse du premier procès criminel de Donald Trump.

Gros plan sur le visage de Donald Trump.

Donald Trump arrive au Trump Building du 40 Wall Street pour donner une conférence de presse après une audience préliminaire à son procès criminel de New York, le 25 mars 2024.

Photo : Getty Images / CHARLY TRIBALLEAU / AFP

En pleine campagne pour reconquérir la Maison-Blanche, l’ex-président républicain Donald Trump verra s'ouvrir ce lundi le premier des quatre procès criminels engagés contre lui, malgré les très nombreuses tentatives de ses avocats, jusque dans la dernière ligne droite, pour faire avorter ou retarder le procès.

Dans cette procédure qui relève de la justice de l’État de New York, il est accusé d’avoir falsifié des documents financiers pour dissimuler le remboursement d’un paiement versé à une maîtresse alléguée afin de favoriser sa victoire à la présidentielle de 2016.

Celui qui pendant son mandat a multiplié les précédents historiques, notamment avec deux procès en destitution devant le Sénat, est le premier ancien président américain confronté à des accusations criminelles.

Présidé par le juge Juan Merchan, le procès, qui ne sera pas télévisé, devrait s’échelonner sur environ six semaines. Première étape de ce marathon juridique qui s'annonce hautement médiatisé, la sélection des jurés devrait durer une à deux semaines.

Le juge Juan Merchan, photographié dans son bureau de la Cour suprême de l'État de New York, regarde la caméra.

Le juge Juan Merchan (photographié dans son bureau de la Cour suprême de l'État de New York) a présidé le procès criminel pour fraude fiscale de la Trump Organization, en 2022.

Photo : Associated Press / Seth Wenig

Donald Trump face à la justice

Consulter le dossier complet

Dessin de Donald Trump lors de sa comparution.

En raison des multiples requêtes de la défense qui retardent les trois autres procès criminels intentés contre le chef de file républicain, la procédure engagée à New York pourrait bien être la seule à connaître un dénouement avant l'élection présidentielle de novembre prochain.

Le contexte derrière les accusations

Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, qui arbore un décolleté plongeant, sourit.

Le Wall Street Journal avait fait état du paiement de 130 000 $ à Stephanie Clifford, alias Stormy Daniels, par Michael Cohen en janvier 2018.

Photo : Getty Images / Ethan Miller

Les circonstances liées à l'inculpation de Donald Trump remontent à sa campagne présidentielle de 2016 et se poursuivent jusqu'à la première année de son mandat présidentiel, en 2017.

Une actrice de films pornographiques, Stephanie Clifford, mieux connue sous son nom professionnel de Stormy Daniels, comptait révéler la relation « intime » qu’elle affirme avoir eue avec Donald Trump. Leur unique relation sexuelle aurait eu lieu 10 ans plus tôt, en 2006, peu après la naissance du fils cadet de l'homme d'affaires.

Deux semaines avant le scrutin du 8 novembre 2016, l'ex-avocat personnel de Donald Trump, Michael Cohen, lui a versé 130 000 $ par le biais d'une société-écran dans le cadre d’un accord de non-divulgation.

Celui qui avait à l'époque la réputation de régler les problèmes de l'homme d'affaires new-yorkais affirme aujourd’hui avoir acheté le silence de Stephanie Clifford sur les instructions de son ancien client et avoir été remboursé et récompensé par lui par la suite, entre février et décembre 2017.

Un chèque de 35 000 $ adressé à Michael Cohen et signé par Donald Trump

Lors de la comparution de Michael Cohen devant un comité du Congrès, en février 2019, une copie d'un chèque de 35 000 $ qui lui a été versé par Donald Trump en janvier 2017 avait été montrée aux élus.

Photo : Getty Images / Chip Somodevilla

Condamné par la justice fédérale, Michael Cohen a déjà purgé une peine d’emprisonnement, après avoir reconnu, notamment, avoir dépassé le plafond fédéral des dons par son paiement à Stephanie Clifford et avoir enfreint d'autres règles de financement électoral en lien avec le versement fait à une autre maîtresse alléguée de Donald Trump.

Le procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg, affirme que la diffusion, un mois avant la présidentielle de novembre 2016, d'un enregistrement désormais célèbre sur lequel on entendait Donald Trump se vanter de pouvoir « attraper » les femmes par leur sexe en toute impunité a servi de catalyseur au paiement secret versé à Stephanie Clifford.

La prémisse mise de l'avant par les procureurs : la vidéo a semé la panique au sein de l'équipe de campagne du candidat républicain, qui ne pouvait pas se permettre un autre scandale sexuel.

L'équipe d'Alvin Bragg pourra y faire référence, mais le juge ne lui a pas permis de présenter l'extrait devant le jury.

Un stratagème pour supprimer de l'information dommageable

La Trump Tower vue en contre-plongée de l'entrée au sommet.

La Trump Tower est un des bâtiments les plus énergivores de la ville de New York.

Photo : Reuters / Mike Segar

Le procureur du district de Manhattan affirme en outre que le paiement fait à Stephanie Clifford et remboursé à Michael Cohen se rattache à un stratagème plus vaste visant à acheter et supprimer de l’information négative (une stratégie connue en anglais sous l'expression catch and kill) afin de maximiser les chances de M. Trump d’être élu.

Selon des documents déposés devant la justice new-yorkaise, ce stratagème était au cœur d'une rencontre qui a notamment réuni à la Trump Tower, en août 2015, Donald Trump, son ami de longue date David Pecker, alors PDG du groupe de presse American Media Inc. (AMI), ainsi que Michael Cohen.

Dans une entente à l'amiable conclue avec les procureurs fédéraux et lui ayant évité des poursuites, AMI a précisé que l'objectif était de neutraliser plus spécifiquement les informations sur les relations du candidat à la présidence avec les femmes.

Le groupe AMI, qui publiait le tabloïd sensationnaliste The National Enquirer, a rémunéré, avec la collaboration de Michael Cohen, deux personnes en échange de droits exclusifs sur leurs histoires dans le but de ne pas les publier.

L'une d'elles est Karen McDougal, une ancienne mannequin de Playboy qui soutient pour sa part avoir été la maîtresse de Donald Trump entre 2006 et 2007. Elle a reçu 150 000 $ en échange de son témoignage.

Karen McDougal, souriante.

Karen McDougal est l'une des femmes qui allèguent avoir couché avec Donald Trump.

Photo : Getty Images / Dimitrios Kambouris

Falsification de documents au premier degré

Fait à noter, l'ex-président républicain n’est pas poursuivi pour avoir versé de l’argent à Stephanie Clifford en échange de son silence, puisqu'une telle pratique n'est pas illégale.

Inculpé par un grand jury pour falsification de documents au premier degré, Donald Trump est plutôt accusé d'avoir maquillé une série de documents d'affaires liés au remboursement qu'il aurait fait à son ancien homme de confiance.

Alvin Bragg est au lutrin, devant un drapeau américain, à côté d'une immense pancarte faisant état des 34 chefs d'accusation déposés contre Donald Trump.

Le procureur du district de Manhattan, Alvin Bragg, lors de la conférence de presse sur l'inculpation de l'ex-président Donald Trump pour falsification de documents, le 4 avril 2023.

Photo : AFP / ANGELA WEISS via Getty

Il fait face à 34 chefs d’accusation pour autant de documents falsifiés (factures, entrées de registres comptables et chèques faussement associés à des honoraires).

Si les actes qui lui sont reprochés se limitaient à cela, Donald Trump serait poursuivi pour un simple délit.

Pourquoi Donald Trump a-t-il fait ces fausses déclarations? Les preuves montreront qu'il a agi ainsi pour dissimuler des crimes liés à l'élection de 2016.

Une citation de Alvin Bragg, procureur du district de Manhattan, en conférence de presse le 4 avril 2023

Mais en vertu de la loi new-yorkaise, lorsque les documents sont falsifiés dans le but de couvrir d’autres crimes, comme ce que soutient le procureur Bragg dans ce dossier, l'infraction à la loi est considérée plus grave et est passible d'une peine plus sévère.

Les procureurs arguent que la combine a contrevenu à la loi électorale new-yorkaise, qui interdit de conspirer pour promouvoir une candidature par des moyens illégaux, et à la loi fédérale sur le financement électoral, qu’a violée Michael Cohen.

De fausses déclarations comptables et fiscales d’AMI et de Michael Cohen ont en outre enfreint les lois fiscales new-yorkaises, ajoutent-ils.

Le cœur du dossier [...] touche une conspiration pour corrompre une élection présidentielle et puis le fait de mentir dans des registres d'affaires de New York pour la dissimuler.

Une citation de Alvin Bragg, procureur du district de Manhattan, en entrevue à la station de radio WNYC

Trump se pose en victime d'un système corrompu

Donald Trump a plaidé non coupable à l'ensemble des chefs d'accusation portés contre lui et a également nié les aventures extraconjugales. Il s'érige en victime d’une chasse aux sorcières motivée par des considérations partisanes.

C'est de la Persécution Politique et de l'Ingérence Électorale à des niveaux jamais vus dans l'histoire.

Une citation de Donald Trump, ex-président des États-Unis

Avant le procès, le juge Merchan a interdit à l'ancien président de s'en prendre publiquement aux témoins, aux jurés et au personnel du tribunal, une restriction qu'il a ensuite étendue aux membres de sa propre famille et à celle du procureur du district de Manhattan.

Donald Trump, qui dénonce ce qu'il décrit comme une atteinte à sa liberté d'expression, conserve néanmoins le droit de critiquer le juge Merchan, qu'il a qualifié de corrompu, et le procureur Bragg, un démocrate, qu'il a déjà traité d'animal et de psychopathe dégénéré.

Le candidat républicain a jusqu'ici tenté en vain d'obtenir du juge qu'il se retire du dossier.

Le politicien de 77 ans, qui doit assister aux procédures, n'a pas écarté l'idée de témoigner, mais plusieurs experts doutent que ses avocats décident d'adopter cette stratégie.

Quelques-uns des témoins potentiels

Michael Cohen

On s'attend à ce que l’ancien avocat de Donald Trump, Michael Cohen, soit le témoin vedette des procureurs.

Photo : Reuters / Carlos Barria

Les procureurs n'ont pas rendu publique la liste des témoins qu'ils comptent appeler à la barre.

On s'attend à ce que le témoin vedette soit Michael Cohen, qui s'est retourné contre son ancien client et dont la crédibilité sera mise à rude épreuve.

Les médias américains mentionnent aussi les noms de Stormy Daniels, qui a exprimé publiquement son désir de témoigner, de Karen McDougal et d'ex-cadres du groupe AMI, dont David Pecker.

Des sources d'ABC News affirment que les procureurs convoqueront d'anciens membres du cercle rapproché de Donald Trump, dont Hope Hicks, qui a notamment été la directrice des communications de sa campagne en 2016 avant d'occuper ce poste à la Maison-Blanche, de même que d'ex-employés du département de comptabilité de la Trump Organization.

L'ex-directrice des communications de Donald Trump, Hope Hicks.

L'ex-directrice des communications de Donald Trump, Hope Hicks

Photo : Getty Images / Chip Somodevilla

Les avocats de Donald Trump avaient déposé une quinzaine de requêtes pour empêcher les procureurs de convoquer certains témoins ou de montrer en cour divers éléments de preuves, mais ils ont largement été déboutés.

La cause la moins solide?

C'est le seul des quatre procès criminels dont le contexte remonte à la période précédant la présidence de Donald Trump et aux premiers mois de son mandat. Les accusations dans les trois autres poursuites concernent des actes commis à la fin de sa présidence ou après son départ de la Maison-Blanche.

Même si ce premier procès tourne autour de l'ingérence électorale, il est aux yeux de certains experts celui dont les accusations – falsification de documents – sont les moins graves.

Dans les autres dossiers, Donald Trump est notamment accusé d'avoir tenté d'invalider les résultats de la présidentielle de 2020 et d’avoir mis la sécurité nationale en danger en conservant des documents confidentiels dans sa résidence de Mar-a-Lago.

De l'avis de plusieurs juristes, c'est par ailleurs l'inculpation dont les bases juridiques semblent, du moins avant la démonstration des procureurs, les plus fragiles.

Ces experts demeurent sceptiques devant la stratégie du procureur du district de Manhattan de lier la falsification de documents à d'autres crimes, une thèse qui sera plus difficile à prouver. C'est d'autant plus vrai que l'homme d'affaires n'est pas poursuivi pour ces autres crimes.

Plusieurs estiment de plus que cette cause aurait davantage dû être avancée par les procureurs fédéraux, qui à l'issue de leur enquête ont décidé de ne pas porter d'accusations.

Un emprisonnement peu probable

La salle du tribunal de Manhattan, vide, avec les drapeaux de New York et des États-Unis en arrière-plan.

La salle du tribunal de Manhattan où se tient le procès de Donald Trump.

Photo : Reuters / Brendan McDermid

Le verdict devrait être rendu d'ici l'été.

Donald Trump encourt une peine maximale d’emprisonnement de 136 ans, soit quatre ans par chef d’accusation, s’il est reconnu coupable, mais les personnes sans antécédents criminels sont généralement condamnées à des peines plus courtes ou même à une mise en probation.

Les experts estiment d’ailleurs très peu probable qu’il soit condamné à la prison s'il est reconnu coupable.

Avec ce qu’on connaît de Donald Trump, tout porte à croire qu’un éventuel verdict de culpabilité ne freinerait pas ses ambitions politiques, puisque la Constitution n’interdit pas à une personne reconnue coupable de briguer la présidence.

S’il était élu, il ne pourrait toutefois pas s’accorder un pardon présidentiel en lien avec ce procès, car un président ne peut accorder son pardon que pour des crimes fédéraux.

D'éventuelles procédures d'appel risquent cependant de s'étirer jusque dans le mandat du prochain président, quel qu'il soit.

Avec les informations de New York Times, Washington Post, The Lawfare Podcast, Reuters et CBC

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