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Quand les Afro-Américaines s’arment pour se protéger

Grâce à un accès facile, il y aurait plus de 400 millions d’armes à feu en circulation aux États-Unis. Au sein de la communauté afro-américaine, une tendance se dessine : les femmes achètent de plus en plus d’armes à feu pour se protéger.

Des femmes participent à une séance d'entraînement dans un champ de tir.

De plus en plus d'Afro-Américaines possèdent une arme à feu à des fins de protection.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

En ce dimanche matin, à Cortland Manor, dans l’État de New York, de nombreuses personnes viennent s'adonner à leur activité favorite, le tir avec leurs armes à feu. En s'approchant d’un champ d'exercice à l’extrémité d'un vaste terrain, on constate que ce sont surtout des femmes afro-américaines qui inscrivent leur nom sur le registre des invités.

En cette journée spéciale d’entraînement pour les femmes afro-américaines, toutes les munitions sont gratuites, annonce le formateur Donovan Lambert, président de S.O.U.L. Society Firearm Club, l'organisation qui encadre ces activités.

Wendy James devant l'entrée du champ de tir.

Wendy James est une habituée des champs de tir.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Parmi les clientes assidues du champ de tir, il y a Wendy James, qui a apporté ses deux armes, dont elle est très fière : son fusil semi-automatique et son arme de poing.

Tout le monde devrait s’y adonner, parce qu'il ne s'agit pas de violence, c’est une question de sécurité et le fait de venir ici pour s'amuser. C’est pour ça que j'ai obtenu mon permis de port d’armes, explique Mme James.

Tout comme Donovan Lambert, elle est membre de la National African American Gun Association (NAAGA). Sorte d'équivalent de la National Rifle Association (NRA), le lobby américain des armes à feu, cette association est destinée aux Afro-Américains.

Une femme pratique le tir avec une arme sous la surveillance d'un formateur.

Donovan Lambert, membre de la NAAGA, conseille Tanya Riggs pour le maniement des armes à feu.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

L'objectif de la NAAGA est en fait d'avoir plus de personnes qui me ressemblent. Cela pourrait permettre à une autre personne qui me ressemble d'être plus à l'aise et de réaliser que : "Hé, je peux le faire aussi", dit M. Lambert.

Ici, on partage les mêmes idées et on soutient le deuxième amendement de la Constitution, qui garantit le droit de détenir des armes. La NAAGA compte aujourd’hui plus de 45 000 membres actifs. Lors de ces séances d’entraînement, chacun essaie tous les calibres d’armes, même les fusils d’assaut, comme les AR-15 utilisés dans la plupart des fusillades meurtrières aux États-Unis.

Une arme de poing et plusieurs chargeurs de munitions.

Les participantes au champ de tir essaient des armes à feu de tout calibre.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Les ventes d'armes à feu ont connu une forte augmentation au sein de la communauté afro-américaine après l'affaire George Floyd, explique Donovan Lambert. Il estime que le meurtre de Floyd et les bavures policières survenues contre la communauté afro-américaine ont contribué à ce sentiment d’insécurité ambiante dans la vie de tous les jours aux États-Unis.

Pas étonnant que la majorité des nouveaux membres de la NAAGA soient des femmes comme Sam Toliver, qui vit sa première expérience au champ de tir. C’est le besoin de sécurité qui l’a guidée vers les armes à feu. Originaire du Bronx, à New York, elle dit avoir vécu plusieurs situations où elle aurait eu besoin d’une arme pour se protéger elle-même, précise-t-elle, et non pour interférer avec le travail de la police.

Je n'aime pas que les policiers tuent surtout des personnes de couleur. Mais si je vais chercher mon arme pour intervenir, c'est comme être un justicier et ce n'est pas pour cela que je veux utiliser mon arme, témoigne Mme Toliver.

Sam Toliver (de dos) écoute les conseils de tir de son formateur.

Les armes à feu servent avant tout à assurer sa propre protection, assurent les participantes aux exercices de tir.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

À l'heure actuelle, un Afro-Américain sur cinq possède une arme à feu aux États-Unis, une proportion en augmentation. Des médecins, des avocats, mais aussi des mères de famille comme Tanya Riggs, une agente immobilière de la région de Westchester, comptent parmi ces personnes.

Les femmes afro-américaines sont les chefs de famille et les leaders de leur foyer. Il est important d'être capable de gérer [une situation], si votre mari a une arme à feu, vous devez savoir comment l’utiliser si nécessaire.

Une citation de Tanya Riggs, agente immobilière

Une voix dissidente

Mais Yvette Ramos a une autre vision des armes à feu. Cette résidente de Brooklyn a fait renommer une rue de son quartier en mémoire de son fils Kenneth, un rappeur, qui a été kidnappé et assassiné il y a presque 11 ans à Miami. Elle se rappellera toujours son dernier câlin, juste avant sa mort, dit-elle en fondant en larmes.

Yvette Ramos à côté d'une photo de son fils Kenneth, abattu par balles.

Yvette Ramos, dont le fils a été abattu par balles, milite contre les armes à feu.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Aujourd’hui, Mme Ramos s’oppose à cet armement croissant des citoyens, sous prétexte du deuxième amendement. Je ne pense pas que tout le monde devrait avoir droit à une arme. Cela signifie que je devrais avoir le droit d'acheter une arme parce que mon fils a été assassiné et qu'ils n'ont pas attrapé le tueur, vous savez? Vous pensez donc que je devrais avoir une arme? Moi, à mon avis, non.

Les nombreux exemples de mères afro-américaines qui ont perdu des enfants à cause de la violence par armes à feu font réfléchir les défenseurs du deuxième amendement de la Constitution comme Wendy James.

J'éprouverais de l'empathie si j'avais perdu un fils à cause de la violence armée, mais si j'avais déjà une arme, je ne pourrais pas honnêtement dire que je m'en débarrasserais, parce que je ne l'ai pas achetée pour la violence, soutient Mme James.

Mais l’attrait de la protection personnelle grâce aux armes à feu semble l’emporter pour Tanya Riggs. Pour être honnête, je suis un peu partagée, mais je pense que je préfère savoir comment manipuler une arme, comment désarmer quelqu’un, plutôt que d'être complètement désemparée et presque comme une cible facile.

Selon Donovan Lambert, membre de la NAAGA, il existe aussi un fatalisme face à l'omniprésence des armes à feu au pays.

Une femme s'entraîne au champ de tir.

Les femmes afro-américaines sont de plus en plus intéressées à se familiariser avec les armes à feu.

Photo : Radio-Canada / Frédéric Arnould

Tout le monde y est sensible, mais les armes à feu ne vont pas disparaître du jour au lendemain. Ce n'est tout simplement pas le cas.

Une citation de Donovan Lambert, formateur et président de S.O.U.L. Society Firearm Club

M. Lambert croit que le gros problème demeure celui des armes à feu obtenues illégalement. Si on éduque davantage de personnes, on peut mettre un terme à la violence et à l'utilisation imprudente des armes à feu, ce qui peut contribuer à réduire ce nombre d’armes illégales.

Bref, l’encadrement et la prévention amélioreront la situation, estime le président de S.O.U.L. Society Firearm Club. Rien toutefois pour restreindre l’accès si facile aux armes à feu de tout calibre dans un pays où en posséder une est un droit sacro-saint.

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