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Québec n’en fait pas assez pour empêcher la dégradation des terres agricoles

Gros plan sur une terre agricole.

« Les mécanismes mis en place par le MAPAQ pour que les pratiques agricoles préservent et améliorent la santé des sols, et permettent leur conservation, ne sont pas suffisants et manquent d’efficacité », écrit la commissaire au développement durable dans son rapport.

Photo : Radio-Canada

Les terres agricoles de la province se dégradent et le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec (MAPAQ) n'en fait pas assez pour renverser cette tendance. C'est le sombre portrait que dresse un nouveau rapport de la commissaire au développement durable, Janique Lambert, déposé jeudi à l'Assemblée nationale.

D'emblée, la commissaire Lambert souligne que les pratiques agricoles ont un effet sur la santé et la conservation des sols. Il importe donc que les producteurs adoptent des pratiques durables, puisque des sols sains offrent plusieurs avantages économiques et environnementaux.

Or, ses travaux démontrent que les mécanismes mis en place par le MAPAQ pour que les pratiques agricoles préservent et améliorent la santé des sols, et permettent leur conservation, ne sont pas suffisants et manquent d’efficacité, ajoute-t-elle.

Cette ressource est essentielle à l’autonomie alimentaire de la population et au développement du secteur bioalimentaire. Il importe donc d’assurer la protection et la mise en valeur du territoire agricole, et ce, au bénéfice des générations actuelles et futures.

Une citation de Janique Lambert, commissaire au développement durable

Un constat partagé par l'analyste en agriculture chez Équiterre Carole-Anne Lapierre qui souligne, par voie de communiqué, que les constats de la commissaire sont tout à fait aligné[s] avec les échos qu’on a du terrain depuis de nombreuses années : notre territoire agricole s’effrite et notre autonomie alimentaire est menacée.

Selon elle, le gouvernement Legault a tout en main pour donner le coup de barre qu’il nous faut pour changer les choses.

Des données vieilles de plusieurs décennies

Le rapport dresse le portrait d'un ministère qui est au fait du problème de la dégradation des sols depuis des décennies, mais qui n'a depuis entrepris que très peu d'actions concrètes pour s'attaquer au problème.

À en croire la commissaire, le MAPAQ n'a qu'une vague idée de l'état des sols dans la province.

Selon elle, les premières recherches du MAPAQ sur le terrain ont été menées en 1990. Elles ont alors identifié sept problèmes, dont l'évolution serait à surveiller. Cependant, ce n'est qu'en 2017 qu'une étude comparative a été menée pour mesurer l'ampleur de la dégradation des sols. Les résultats de cette seconde étude n'ont été publiés qu'en 2023, soit 33 ans après la récolte des premiers échantillons.

Et encore, Mme Lambert émet des réserves quant à la fiabilité de l'étude. Bien qu’on y brosse un portrait de l’état de santé des sols et des effets de certaines pratiques agricoles, des connaissances font encore défaut pour comprendre la nature et l’envergure des problèmes, écrit-elle dans son rapport. Elle cite en exemple le problème de l'acidification des sols, qui n’a pas été évalué de la même manière dans les deux études, si bien que l’évolution des tendances ne peut être mesurée.

Le MAPAQ en sait très peu sur les pratiques agricoles dans la province et leurs effets sur la santé des sols, ajoute la commissaire. Là encore, les données récoltées datent de plusieurs décennies. En fait, le portrait le plus complet qu’a le MAPAQ date de 1998, écrit Mme #Lambert. Les actions réalisées subséquemment sont ciblées et ponctuelles.

Les sols en santé sont une condition essentielle à la production agricole, et cette santé est grandement tributaire de pratiques agricoles durables, qui permettent en outre une plus grande résilience face aux changements climatiques. Il est donc nécessaire que le MAPAQ possède des données fiables et suffisantes sur l’état de santé des sols et son évolution ainsi que sur les pratiques agricoles qui peuvent contribuer à sa dégradation.

Une citation de Janique Lambert, commissaire au développement durable

Les producteurs mal accompagnés

Québec a bien mis en place des plans et des politiques pour amener les producteurs agricoles à adopter des pratiques moins nocives pour la santé de leurs terres, mais là encore, la commissaire Lambert soulève de nombreuses lacunes qui minent ces efforts.

Le MAPAQ donne des orientations, des objectifs et des axes d’intervention qui ne sont pas suffisants pour que les producteurs agricoles accélèrent l’adoption de pratiques agricoles durables et délaissent celles qui sont moins favorables à la santé des sols, peut-on lire dans le rapport, la commissaire soulignant l'aspect vague et souvent imprécis de ces initiatives du ministère.

Photos aériennes (par drone) d'un tracteur dans un champ.

Les mesures mises en place par Québec sont inefficaces, plaide la commissaire.

Photo : Radio-Canada / Patrick Morrell

Le ministère fonde beaucoup d'espoir sur son Plan d'agriculture durable 2020-2030 pour s'attaquer à ces problèmes. Or, ce plan prévoit près de 300 projets locaux et quelque 150 partenaires participent à la mise en place de pratiques d'agricultures durables. Il y a lieu de se questionner, écrit la commissaire, sur la manière dont le MAPAQ va s’assurer que des résultats concrets émaneront de ces projets et de tous ces engagements.

L'association des Producteurs de grains du Québec (PGQ) a réagi au rapport de la commissaire, jeudi, en réitérant que le gouvernement du Québec doit en faire plus pour soutenir les agriculteurs.

Selon nous, l’adoption de pratiques agroenvironnementales demande un accompagnement accru, de l’investissement en recherche et un plus grand accès à la rétribution, a affirmé son président, Christian Overbeek, dans une déclaration écrite transmise à Radio-Canada.

Mesures inefficaces

Le ministère a bien mis en place des programmes pour favoriser l'adoption de pratiques agricoles durables, qui vont du service-conseil au soutien financier, mais ces initiatives rejoignent peu de producteurs, écrit Janique Lambert. De plus, Québec a une connaissance limitée des raisons de cette faible participation, ajoute-t-elle.

Le MAPAQ fait un suivi insuffisant de la performance de ses programmes, qui ont coûté 45 millions de dollars pour l'année 2022-2023, selon la commissaire. En fait, il n’a pas mesuré les effets de ses trois programmes sur les pratiques agricoles durables ni démontré qu’ils lui permettent de progresser vers l’atteinte de son objectif, qui est d’accélérer l’adoption de telles pratiques, détaille-t-elle.

La situation est d'autant plus critique que plusieurs menaces pèsent sur les sols agricoles, selon la commissaire, qui cite entre autres le développement urbain, l'expansion du réseau routier et les changements climatiques.

Janique Lambert montre également du doigt le travail de la Commission de protection du territoire agricole du Québec (CPTAQ), qui est incapable, selon elle, de suivre adéquatement l'évolution du territoire agricole. Par ailleurs, les activités de surveillance que réalise la CPTAQ ne permettent pas de protéger efficacement la zone agricole : la surveillance est insuffisante pour détecter les infractions commises et de longs délais sont constatés dans le traitement des infractions identifiées, déplore-t-elle.

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