Offensive du SPVM contre l’étranglement en contexte de violence conjugale
L'étranglement, s'il ne tue pas, peut causer d'importantes lésions physiques en plus d'augmenter les risques d'accident vasculaire cérébral, de lésions cérébrales ou de problèmes de santé mentale dus à un manque d'oxygène.
Photo : Radio-Canada / Ben Nelms
Devant le nombre important de cas d’étranglement en contexte de violence conjugale, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a mis sur pied un projet pilote destiné à améliorer la prise en charge judiciaire, mais aussi médicale de ces sévices qui sont souvent le prélude à des tentatives de meurtre ou carrément des meurtres.
Et la situation est plus grave qu’on le pense. En 2023, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a autorisé 551 poursuites à Montréal en lien avec des cas d’étranglement, ce qui représente une moyenne de 10 par semaine.
La vaste majorité des victimes sont des femmes qui subissent des étranglements dans un contexte conjugal sans en mourir.
Selon une étude de la National Library of Medecine réalisée en 2008, une personne vivant avec un partenaire violent est 7,5 fois plus susceptible d’être tuée par son partenaire si elle a été étranglée par ce dernier dans le passé.
Le gouvernement fédéral a mis à jour le Code criminel en 2019 pour ajouter l'étranglement et l’étouffement (article 267 c) à la définition d'agression armée ou d'infliction de lésions corporelles. Ce changement signifie que les agresseurs conjugaux peuvent désormais être inculpés spécifiquement pour agression par strangulation.
Inspiré des meilleures pratiques aux États-Unis
, le projet pilote lancé par le SPVM sera déployé dans l’est de l’île de Montréal pour une période de 18 mois. L’initiative consistera d’abord à parfaire la formation des intervenants des patrouilleurs jusqu’aux procureurs.
L’étranglement est une preuve de domination complète de la part de la personne qui agresse, qui démontre à la victime qu’elle tient littéralement sa vie entre ses mains.
On va former les policiers, les enquêteurs, les procureurs et nos partenaires de différents organismes qui viennent en aide aux victimes, a expliqué la commandante Anouk Saint-Onge, cheffe de la section spécialisée en violence conjugale du SPVM. On explique qu’est-ce que l’étranglement, les différences avec la suffocation, les signes et les symptômes.
La formation sera entre autres assurée par un médecin, une pathologiste judiciaire, plus exactement.
Le projet pilote consiste également en la rédaction d’un nouveau document qui est un complément à la déclaration de la victime où on pose des questions très précises sur le geste et sur les signes et symptômes
, a ajouté la commandante Saint-Onge au micro de l’émission Tout un matin, sur les ondes d’ICI Première.
Dans le cadre d’un partenariat avec le CAVAC de Montréal, la présence d’une intervenante sera aussi proposée aux victimes pour une prise en charge plus immédiate de la victime.
Le reportage de Marie-Isabelle Rochon.
Consultation médicale
Il y a aussi tout un aspect médical, ajoute Mme Saint-Onge. On va vraiment mettre l’emphase sur l’importance pour la victime d’aller consulter un médecin. On va même lui remettre un dépliant qui vient expliquer les symptômes qui peuvent survenir plusieurs jours après l’événement.
Les symptômes d’un étranglement sont en général une perte de connaissance, de l’incontinence, la voix rauque, des maux de gorge, une perte de la vue ou de l’ouïe, des maux de tête.
Documenter ces symptômes est important pour les procureurs, car contrairement à une idée répandue, un étranglement ne laisse souvent aucune trace visible sur le corps de la victime.
On a tendance à penser qu’une victime qui se fait étrangler va avoir de grosses marques sur le cou, mais ce n’est pas le cas.
Outre le risque de mourir par privation d’oxygène, être étranglée accroît le risque d'accident vasculaire cérébral, de lésions cérébrales ou de problèmes de santé mentale dus à un manque d'oxygène, sans compter l’impact psychologique majeur d’être victime d’un tel geste.
En plus d’améliorer l’accompagnement des victimes au sein du processus judiciaire, le projet pilote vise une meilleure collecte de l’ensemble des éléments de preuve nécessaires pour pouvoir porter des chefs d’accusation contre les suspectes et suspects auteurs de violence
, ajoute la procureure spécialisée en violence conjugale, Me Maya Ducasse-Hathi, qui a pris part au projet.