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Les balles de tennis, à l’origine de nombreuses blessures chez les pros?

Un chasseur de balles tient deux balles dans son dos.

Les balles utilisées lors des Internationaux d'Australie

Photo : Getty Images / Will Russell

Les Internationaux d’Australie, premier tournoi du grand chelem de la saison, s’amorcent dimanche. Et on vous fait une prédiction non pas sur le futur vainqueur, mais sur un sujet qui risque d’être récurrent pendant cette quinzaine : la qualité des balles utilisées à Melbourne.

En 2023, de grands noms du tennis professionnel ont critiqué ouvertement les balles Dunlop Australian Open. Parmi eux, il y avait des joueurs peu habitués à ce genre de commentaire.

Après quelques frappes, la balle perd de sa pression. C’est plus difficile de mettre de l’effet dans la balle, avait dit l’Espagnol Rafael Nadal. On nous dit que ce sont les mêmes balles [que par le passé], mais la balle est de piètre qualité, il n’y a aucun doute.

Félix Auger-Aliassime s’était même plaint à l’arbitre, pendant son match de deuxième tour à Melbourne, que les balles ne bondissaient pas. L’arbitre de chaise lui avait répondu qu’il était d’accord avec lui, sans toutefois pouvoir corriger la situation.

Un joueur de tennis discute avec l'arbitre de la mauvaise qualité des balles.

Félix Auger-Aliassime se plaint à l'arbitre de la qualité des balles aux Internationaux d'Australie en 2023.

Photo : Getty Images / Darrian Traynor

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Je ne veux pas me plaindre, mais les balles ne bondissent pas, avait dit le Québécois après sa victoire contre Alex Molcan.

La balle en Australie se détériorait et voyageait moins rapidement, selon les joueurs. Une situation qu’a observée l’ancien entraîneur national canadien Sylvain Bruneau.

Sylvain Bruneau

Sylvain Bruneau

Photo : La Presse canadienne / Paul Chiasson

L’année passée, les joueurs étaient frustrés parce que les balles perdaient de la pression, explique Bruneau, qui se concentre maintenant sur son rôle d’analyste à RDS. La balle devenait énorme, le feutre gonflait et devenait fluffy. C’est sûr qu’un joueur comme Félix, qui a besoin de son service, n’a pas envie que la balle prenne de la densité quand elle s’use. Ça va ralentir son service.

Et l’enjeu semble vouloir se présenter à nouveau cette année, si l’on se fie aux échos des tournois préparatoires de Brisbane et d’Adélaïde, qui ont recours à la même balle.

La balle, à la fin de la première manche, était plus grosse. C’était difficile de donner la bonne trajectoire à la balle, a dit Nadal, lors du tournoi de Brisbane.

L’Australien Thanasi Kokkinakis a qualifié cette même balle de citron au tournoi d’Adélaïde, au début janvier.

Le tout nouveau retraité John Millman avait soulevé le point dès le début du mois de décembre à l’entraînement. Pour lui, les balles de 2024 étaient similaires à celles de 2023.

Pour l'œil moyen, sur la photo publiée par Millman, il ne s’agit que de deux balles officielles des Internationaux d’Australie.

Pour l'œil averti, elles sont dans un très mauvais état.

L'ancien directeur de l'Ominum Banque Nationale, Eugène Lapierre, serre la main de Valérie Tétreault, qui lui succède.

Eugène Lapierre et Valérie Tétreault

Photo : Alexandre Gascon

On ne sait pas combien de temps il a frappé sur ces balles-là ni combien de balles il avait dans sa rotation, mais la balle est amochée, observe Valérie Tétreault, directrice de l’Omnium Banque Nationale de Montréal et ex-joueuse professionnelle. Une balle amochée comme ça, ça ne fait pas de bien au bras, je peux te le dire!

Une problématique répandue à tout le circuit

La problématique de la qualité des balles n’est pas seulement l’affaire des tournois australiens, si l’on se fie aux nombreuses critiques entendues l’année dernière.

Selon le 3e joueur mondial Daniil Medvedev, les balles sur le circuit sont plus lentes, partout, peu importe le tournoi, avait-il déclaré en marge du tournoi de Toronto, en août dernier.

Une situation qui crée un écart entre les joueurs selon le grand Russe.

Certains, vraiment puissants, peuvent frapper la balle avec force, même si elle réagit moins. C’est le cas de [Carlos] Alcaraz, d’[Alejandro] Davidovich Fokina, de [Casper] Ruud et de quelques autres.

La qualité du produit n’est pas la seule préoccupation de Medvedev et d’autres joueurs concernant les balles. Les nombreux modèles utilisés pendant la saison sont montrés du doigt.

L’Américain Taylor Fritz, 12e joueur mondial, expliquait ses douleurs au poignet droit par l’utilisation de balles différentes, tournoi après tournoi.

Nous avons utilisé trois balles différentes en trois semaines, avait-il publié sur les réseaux sociaux, à la fin septembre 2023.

Je pense que tout le monde s’entend pour dire que ça peut être un peu plus dur sur le corps, sur le poignet, sur les articulations de devoir s’adapter selon le type de balle, ajoute Sylvain Bruneau. Il y a un courant chez les joueurs : est-ce que l’on pourrait avoir une balle unique? On n’aura pas à s’adapter toujours à des balles différentes.

Prends un joueur qui fait la finale du tournoi no 1. Il rejoue dans le tournoi no 2 le mardi ou mercredi suivant. Il va prendre une journée off pour voyager, se reposer. Ça ne lui donne pas beaucoup de temps pour s’ajuster à une balle, alors que le gars qui a perdu au premier tour, il a une semaine complète [pour le faire], indique-t-il.

Principale préoccupation

Le Canadien Vasek Pospisil est l’un des plus virulents critiques de l’ATP et de la WTA. Pour lui, la mauvaise qualité des balles et les nombreux modèles utilisés semaine après semaine sont à l’origine des nombreuses blessures aux poignets, aux coudes et aux épaules. À 100 %.

Sylvain Bruneau, qui n’est pas du style à vouloir enflammer le débat, approuve les propos de Pospisil.

Je n’ai pas de données scientifiques ou de statistiques, mais je pense que le changement de balle a un impact sur les blessures. Pour moi, ça semble assez évident.

Un rapprochement qu’ont fait plusieurs joueurs, dont le non moins controversé Nick Kyrgios.

Le changement de balles chaque semaine a finalement raison du poignet de Novak, a écrit Kyrgios sur X, lorsque Djokovic s’est blessé au poignet droit à la Coupe United, en début d’année, tout en ajoutant que le nombre de blessures avait considérablement augmenté dans la dernière année.

Novak Djokovic, Daniil Medvedev, Stefanos Tsitsipas, Taylor Fritz, Cameron Norrie, Sebastian Korda et Reilly Opelka ont tous été ennuyés par une blessure ou une douleur à un poignet, à un coude ou à une épaule dans la dernière année. Certains ont même dû être opérés.

En quoi une balle plus lourde peut-elle causer autant de dommages?

Le problème, c'est que si la balle est plus lourde, elle a plus d’impact quand elle entre en contact avec les cordages. Et ça se déploie dans le bras […] C’est un principe physique, explique Pospisil.

[Les joueurs] doivent s’ajuster pour se déployer différemment sur une balle qui devient plus fluffy, pour essayer de créer de la vitesse de balle. Ça peut les amener à faire des petits trucs différemment et utiliser davantage leur poignet. Ça peut causer des blessures, ajoute Bruneau.

Ça demande plus de puissance pour faire voyager la balle à une bonne vitesse. Les joueurs vont commencer à forcer davantage et c’est là que ça peut entraîner des blessures du poignet, du coude ou de l’épaule, dit Valérie Tétreault.

Pospisil est ennuyé par des blessures récurrentes au coude droit depuis deux ans. Des blessures qu’il attribue à la qualité des balles.

Je peux te dire avec certitude que ma première blessure au coude, en 2022, était en raison des balles, répond le Canadien de 33 ans, lorsqu’on lui demande de répéter son affirmation.

Un joueur de tennis frappe la balle du coup droit.

Vasek Pospisil, à l'entraînement, en septembre 2023

Photo : getty images for itf / Giuseppe Bellini

À l’hiver 2022, quand il a disputé deux tournois Challenger en France, il a subi une déchirure au deuxième degré d’un ligament du coude droit.

Il y avait plusieurs bons joueurs présents et tous les joueurs ne parlaient que de la piètre qualité des balles. Chaque fois qu’on frappait la balle, on avait l’impression de frapper une roche. C’était exigeant sur le bras. Malheureusement, j’ai bien joué en remportant le premier et en étant finaliste au deuxième.

Depuis, les problèmes au coude s’enchaînent pour Pospisil. Lui et Sylvain Bruneau précisent toutefois que la situation est encore bien pire dans les tournois Challenger que dans les circuits ATP et WTA.

C’est le free for all dans les tournois Challenger. C’est n’importe quoi, dit Bruneau.

De microdétail

Les changements, les différences entre les balles ne se mesurent qu’en grammes et millimètres. Et pourtant.

Si on plaçait les balles sur une balance, on ne verrait probablement pas la différence, explique Valérie Tétreault. Une personne qui joue au parc, non plus, ne remarquera rien.

Pour des joueurs de ce niveau [ATP et WTA], on sent tout de suite la différence. Vous pourriez bander les yeux d’un joueur et lui demander de servir les deux balles, il vous identifierait tout de suite les balles. C’est une différence tangible et ressentie chez les joueurs.

Les balles se ressemblent toutes, elles sont toutes feutrées, mais elles ne réagissent pas toutes de la même façon, renchérit Sylvain Bruneau. Certaines vont sortir de la raquette plus vite, d’autres sont plus lourdes, d’autres s’usent différemment. C’est minime, mais on parle de joueurs de tennis professionnels, eux voient la différence. Ces athlètes sont réglés.

Les balles utilisées sur les circuits professionnels sont accessibles pour tous, on peut les acheter. Malgré tout, certains joueurs demandent aux organisateurs de tournoi de leur faire parvenir des balles pour leur préparation. C’est le cas pour l’Omnium Banque Nationale de Montréal.

Chez nous, comme on est le premier grand tournoi après Wimbledon, ce n’est pas rare que les grandes têtes d’affiche nous contactent pour qu’on leur envoie une caisse de balles qui seront utilisées pour le tournoi, raconte la directrice du tournoi montréalais.

On est vraiment dans le microdétail. Même si on leur dit qu’on utilise la US Open Extra ou Regular Duty [selon le volet féminin ou masculin, NDLR], plutôt que d’aller acheter eux-mêmes ou de demander des balles au manufacturier, ils veulent une caisse de balles qui vient vraiment de la série de balles qu’on nous a envoyées pour le tournoi, pour que ce soit le plus exact possible.

L’ATP et la WTA se pencheront sur le dossier

Dans un communiqué commun publié le 9 janvier, l’ATP et la WTA ont précisé qu’une révision stratégique sur les balles était en cours, dans le but d’améliorer la qualité et l’uniformité des balles pour 2025.

Avant que les circuits ne publient leur communiqué, tous les directeurs de tournois, nous avons reçu un courriel qui nous demandait de leur envoyer les détails de nos ententes avec les différents manufacturiers de balles. Ils veulent comprendre quand les ententes prennent fin et quand ils peuvent agir, précise Valérie Tétreault.

La directrice du tournoi de Montréal admet apprécier l’approche de vouloir diviser le calendrier en portions.

Pendant [un certain] nombre de semaines, on utilise la même balle, sur la même surface. Déjà là, ça ferait une différence, dit-elle. Une approche déjà établie en Amérique du Nord, avec les tournois de Montréal, Toronto, Cincinnati et New York.

Vasek Pospisil a tout de même quelques craintes.

Supposons que l’ATP dise que tous les tournois vont utiliser la même sorte de balle, nous avons une uniformité. Mais si cette balle est de mauvaise qualité, ça n’aidera en rien.

L’enjeu n’est pas si ça favorise un style de jeu ou un autre, l’enjeu est que plusieurs joueurs se blessent, ajoute Pospisil.

Un problème amplifié ces dernières années

L’enjeu concernant les balles sur le circuit professionnel a fait grand bruit en 2023, mais il n'est pas nouveau.

Le Montréalais de naissance Greg Rusedski rappelle que le sujet fait débat depuis des décennies.

Nous avions la même discussion quand je jouais, il y a 30 ans. Rien n’a changé, a-t-il écrit sur les réseaux sociaux.

Selon Vasek Pospisil, les deux ou trois dernières années ont été marquées par une nette détérioration du produit.

Et toutes les surfaces de jeu sont concernées, même si le constat est plus important sur surface dure.

Lors du tournoi de Roland-Garros en 2020, Rafael Nadal, Novak Djokovic et Daniel Evans avaient critiqué la qualité des balles.

Ce sont des balles qu’on ne donnerait même pas à mâchouiller à des chiens, avait lancé Evans, lors du tournoi majeur français qui avait été déplacé en septembre 2020, au lieu de mai, en raison de la pandémie.

Lorsque Radio-Canada Sports lui demande quelle est sa réaction, comme amatrice de tennis, devant une telle situation, Valérie Tétreault répond que c’est un peu désolant.

La balle, c’est dans les éléments les plus importants, les plus rudimentaires quand tu joues au tennis. S’il y a une chose qu’on devrait contrôler, en termes de qualité, il faut que ce soit la balle. Si je suis à la tête de l’ATP et de la WTA et que l’un de mes buts premiers est de protéger mes joueurs, il faut que ça fasse partie des priorités, d’assurer un contrôle de qualité sur la balle.

La directrice du tournoi de Montréal refuse de faire un lien direct entre les balles et les blessures, en raison de l'absence de données précises, mais elle reconnaît que des actions doivent être prises.

Je pense qu’il était temps qu’on se pose ces questions et que l’ATP et que la WTA prennent des mesures pour protéger les joueurs, admet Valérie Tétreault.

De son côté, Vasek Pospisil est plus pessimiste.

Est-ce qu’ils doivent faire quelque chose? Certainement. Est-ce que j’ai confiance qu’ils feront quelque chose? Non, pas du tout. Ça fait 16 ans que je suis sur le circuit et je n’ai jamais eu confiance en l’ATP. Je serais surpris qu’ils agissent rapidement et qu’ils prennent la bonne décision.

Chose certaine, le travail sera complexe pour convenir à une uniformité concernant les balles, car six entités devront s’entendre : l’ATP, la WTA et chacun des quatre tournois du grand chelem qui sont des structures indépendantes.

Circuit féminin et tournoi de Montréal, une problématique différente en 2023

L’Omnium Banque Nationale a vécu son lot de problèmes concernant les balles en 2023, mais l’enjeu n’était pas le même que ceux cités précédemment.

Les tournois de Montréal et de Cincinnati et les Internationaux des États-Unis avaient accepté de changer le modèle de balle pour le volet féminin. Les joueuses avaient exigé, à la suite d’un vote, d’utiliser la même balle que les hommes.

Terminé la balle Wilson Regular Duty : place à la Wilson Extra Duty. Une demande résultant d’une sortie publique de la no 1 mondiale, Iga Swiatek, à Flushing Meadows en 2022, qui ne comprenait pas pourquoi les femmes avaient un modèle de balle différent.

L’expérience n’a toutefois pas été concluante. Plusieurs joueuses se sont plaintes de douleurs au poignet lors des tournois de Montréal et de Cincinnati.

Quelques semaines plus tard, toutes les parties s'entendaient : les tournois de Toronto, Montréal, Cincinnati et les Internationaux des États-Unis reviendront à la balle Wilson Regular Duty pour les tableaux féminins.

Moi, comme ancienne joueuse, pour avoir essayé la Extra Duty et la Regular Duty, elle est pas mal plus lourde, explique Tétreault. Quand tu n'es pas habituée et que les femmes sont plus petites physiquement, c’est plus exigeant pour le bras, assurément.

Chaque organisateur de tournoi est libre de négocier avec le manufacturier de balles de son choix.

À Montréal et Toronto, on a choisi d’utiliser la même balle qu’aux Internationaux des États-Unis, même si les tournois canadiens ne font plus partie de la US Open Series.

On se fait un devoir d’utiliser la même surface, les mêmes balles [que les Internationaux des États-Unis] parce qu’on sait aussi que ce sont de bons arguments pour nous quand vient le temps de convaincre les meilleurs joueurs de venir à notre tournoi. On veut être positionné comme étant la meilleure préparation possible pour New York, conclut-elle.

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