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Le sport féminin sur une lancée, mais encore « loin d’un idéal »

Harper Murray effectue un service alors que les estrades, en arrière-plan, sont remplies.

Le record d'affluence pour un événement sportif féminin a été battu en août 2023 lors d'un match de volleyball qui a réuni 92 003 personnes à Lincoln, au Nebraska.

Photo : Getty Images / Steven Branscombe

Le milliard de dollars que devrait engendrer le sport professionnel féminin pour une première fois, en 2024, est-il un gage de succès ou plutôt la belle façade d’un travail inachevé?

La firme Deloitte, en novembre dernier, estimait que l’industrie allait engendrer 1,28 milliard $ en revenus commerciaux, de diffusion et de billetterie cette année, plus du triple de 2021.

Les athlètes de sport féminin y trouvent pour la plupart leur compte et les avancées salariales sont notables depuis deux ans. La Ligue nationale de soccer féminin (NWSL) a doublé son plafond salarial à 2,75 millions $ de 2023 à 2024. L’équipe nationale américaine de soccer a atteint la parité salariale avec l’équipe masculine en mai 2022. Plus près de nous, l’Omnium Banque nationale a annoncé que les bourses totales des tournois féminin et masculin seront égales dès 2027.

C’est clair qu’on est loin d’une parité et d’un intérêt égal avec le sport masculin, mais on voit des progrès réels dans l’intérêt pour le sport féminin, observe le Président de l'Observatoire de géopolitique de l'UQAM, Yann Roche, en entrevue avec Radio-Canada. Il illustre l’intérêt du public en prenant l’exemple de la LPHF, qui attire des milliers de spectateurs dès sa première saison cet hiver, dont un sommet de 19 285 au Scotiabank Arena de Toronto le 16 février.

Le milliard de revenus prévu est effectivement encore loin – très loin – des 216 milliards $ engendrés par les 15 plus grands empires sportifs masculins selon une estimation de Forbes.

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Plusieurs personnes de dos, les mains en l'air, célèbrent un jeu de football à la télévision.

Le développement du sport féminin est encore confronté à de grands défis et grands obstacles, que ce soit en matière de salaire et de couverture médiatique, entre autres, tempère Maélys Druilhe, chercheuse en géopolitique du sport à l’Observatoire. Si on note l’amélioration, c’est parce qu’on partait pratiquement de zéro.

Malgré l’augmentation des salaires dans les ligues et associations sportives professionnelles féminines, les femmes ont été écartées du palmarès de Sportico des 200 athlètes les mieux rémunérés en salaires et commandites de 2023 pour une première fois en trois ans. Les joueuses de tennis Serena Williams et Naomi Osaka, entre autres, s’étaient précédemment classées au sein de ce groupe sélect. La première a pris sa retraite, la deuxième a raté l’entièreté de la dernière saison, après avoir accouché de son premier enfant.

L’Arabie saoudite et le régime de Mohamed ben Salmane y sont pour beaucoup. Dans la foulée d’une stratégie de visibilité et de légitimité, ils ont attiré les joueurs de soccer Cristiano Ronaldo, Neymar et Karim Benzema pour plusieurs centaines de millions de dollars lors des derniers mois. Idem pour le golfeur Jon Rahm, qui est le dernier nom d’envergure à avoir le fait le saut au sein du circuit LIV pour un montant avoisinant les 500 millions $.

Les deux tiennent un maillot du club.

Neymar en compagnie du dirigeant du club Al Hilal, Fahad Bin Saad Bin Nafel

Photo : AP

Il y a un progrès important de l’impact économique du sport féminin, mais le sport masculin a continué de croître lui aussi – peut-être plus rapidement, même, explique Yann Roche. L’Arabie saoudite a occulté le progrès du sport féminin. Car ce n’est pas qu’il n’y a pas de progrès, mais les ‘’autres’’ progressent encore plus vite.

L’Arabie saoudite est-il donc le prochain bassin propice au développement du sport professionnel féminin? Même si plusieurs ligues saoudiennes ont un équivalent féminin, les premiers chapitres d’événements sportifs féminins au pays de ben Salmane ont été marqués par la controverse et des accusations de sportwashing, procédé appliqué par certains pays qui utilisent l’investissement dans le sport pour redorer leur blason.

Et des associations comme la WTA jouent de prudence avant de s’associer à des fonds d’investissement saoudiens, qui s’ingèrent déjà dans plusieurs circuits professionnels européens et nord-américains. Lors d’un événement de l’association professionnelle de tennis féminin en juin dernier, le président et directeur des opérations Steve Simon avait admis qu'il y a encore une tonne d'obstacles en Arabie saoudite, en lien avec les droits des femmes et ceux de la communauté LGBTQ+.

Il ne faut pas négliger les avancées [pour le sport féminin] en Arabie saoudite, soutient Maélys Druilhe. Les ligues de plusieurs sports ont un équivalent féminin et la présence de femmes dans les stades n’était pas possible avant 2018, maintenant ce l’est. Ça témoigne de quelque chose de l’ordre d’une révolution, qu’il faut noter. Mais on est dans un régime répressif, notamment avec les femmes. Si on n’a donc pas un souci de cohérence, l’investissement dans le sport féminin ne fonctionnera pas comme l’entend le pays. Ça doit aller de pair avec un ensemble de mesures cohérentes afin d’améliorer la situation des femmes dans le pays et les droits humains.

Selon la chercheuse, il ne suffit pas de parler de dollars et de comparer avec le sport professionnel masculin afin de mesurer le succès de développement du sport féminin.

L’enjeu n’est pas de copier un modèle existant, mais plutôt de questionner les fonctionnements du sport masculin, imaginer un futur différent, explique Maélys Druilhe.

Et même si les chiffres sont incontestables, certains problèmes systémiques persistent et les solutions transcendent les limites du sport.

On sexualise encore le sport féminin, ajoute-t-elle. Et sur les réseaux sociaux, on parle de la performance des femmes comme quoi ‘’de toute façon, ce n’est pas aussi important, aussi rapide, aussi beau, aussi intéressant.’’ […] On peut changer les choses et donner l’exemple que si ça peut se faire dans le sport, ça peut se faire ailleurs en société. Mais ça ne peut qu’uniquement passer par le sport, il faut que le reste suive. Il y a un travail de fond à faire. Je ne suis pas pessimiste, mais nous sommes encore très loin d’un idéal.

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