ChroniqueQuand le crime organisé rôde dans le vestiaire…

Deux événements distincts nous ont rappelé, au cours des derniers jours, que le crime organisé continue de rôder autour des vestiaires des équipes de sport professionnel.

Depuis la semaine dernière, la plus grande vedette du baseball majeur, le Japonais Shohei Ohtani, se retrouve plongée dans une étrange affaire de paris sportifs illicites.

Pendant que les Dodgers disputaient une série de matchs à Séoul, en Corée du Sud, le Los Angeles Times et le réseau ESPN ont révélé que l’interprète et proche ami d’Ohtani, Ippei Mizuhara, entretenait des liens avec un preneur aux livres. Une enquête préliminaire a alors permis de découvrir que 4,5 millions de dollars provenant des comptes bancaires d’Ohtani avaient été transférés afin d’éponger des dettes de jeu contractées par son interprète auprès d’un réseau illicite de paris sportifs.

Dans l’un points de presse les plus médiatisés de l’histoire du Dodger Stadium, Ohtani a déclaré lundi qu’il n’avait jamais parié sur le baseball ni sur un autre sport, qu’il n’avait jamais demandé à qui que ce soit de parier à sa place et que son interprète avait puisé de l’argent dans ses comptes bancaires à son insu.

Ohtani n’ayant répondu à aucune question après sa déclaration, de larges zones grises demeurent. Plusieurs se demandent, notamment, comment Ohtani aurait pu permettre à son interprète un total et libre accès à ses comptes bancaires. Et surtout, comment Ohtani aurait pu ignorer le fait que de nombreux virements de 500 000 $ avaient été effectués à partir de ses comptes.

Le fisc américain et la MLB enquêtent sur cette affaire.

Les joueurs du baseball majeur ont le droit de parier sur d’autres sports que le baseball. Par contre, ils peuvent être suspendus pendant une saison complète s’ils parient sur leur sport. Et si un joueur s’avise de parier sur un ou des matchs impliquant son équipe, il risque la suspension à vie. Pete Rose, le meilleur frappeur de l’histoire de la MLB, est sous le coup d’une telle suspension.

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Pendant ce temps, à Toronto, les Raptors ont dû rayer un joueur de leur formation en raison d’irrégularités survenues sur le marché des paris sportifs légaux.

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Le 26 janvier et le 20 mars derniers, Jontay Porter a quitté des matchs des Raptors après 3 ou 4 minutes de jeu en invoquant une blessure et un malaise. Ces soirs-là, les cotes des paris accessoires prévoyaient que Porter allait inscrire un certain nombre de points, de rebonds et de mentions d’aide. Le joueur des Raptors n’a évidemment pas atteint ces chiffres, alors que des gens ont tenté de parier des sommes anormalement élevées sur le fait qu’il allait échouer.

Ces coïncidences ont alerté les analystes de maisons de paris. Ceux-ci en ont déduit que les forfaits de Porter avaient probablement été planifiés afin d’en tirer des profits.

S’il a réellement tenté d’influencer le déroulement d’un match dans lequel il était impliqué afin de faciliter des paris, Jontay Porter risque aussi d’être banni à vie de la NBA.

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Ces deux histoires démontrent à quel point le crime organisé continue de déployer des efforts afin d’avoir accès aux vestiaires du sport professionnel. Et ce, malgré la légalisation de plus en plus répandue des paris sportifs.

De la même manière que la légalisation de la marijuana n’a pas fait disparaître les activités criminelles de production de cette drogue, les activités des maisons de paris sportifs liées au crime organisé sont toujours florissantes. Il y a quelques mois, le confrère Daniel Renaud, de La Presse, rappelait justement que le registre des clients-parieurs du crime organisé et de leurs dettes était l’objet le plus convoité du monde interlope montréalais.

Et la meilleure façon de tirer profit d’un réseau de paris sportifs consiste à obtenir de l’information privilégiée sur ce qui se déroule dans une équipe, ou encore à corrompre des individus – identifiés comme étant des maillons faibles – susceptibles d’influencer le déroulement des matchs.

Dans le cas de Shohei Ohtani, il est clair qu’un réseau de paris illicites avait un pied dans le vestiaire des Angels de Los Angeles au cours des dernières saisons. Si l’interprète Ippei Mizuhara avait d’importantes dettes de jeu, il était en position de vulnérabilité. Et quelqu’un était en mesure d’exiger de sa part des informations privilégiées non seulement sur l’équipe, mais aussi sur le joueur le plus susceptible d’influencer le déroulement des matchs.

Le scénario serait encore plus grave s’il s’avérait qu’Ohtani, de près ou de loin, a été mêlé à des paris illicites.

Le cas de Jontay Porter est différent. On parle ici d’un joueur d’utilité qui n’a pas nécessairement manœuvré pour faire perdre son équipe, mais qui est soupçonné de s’être retiré prématurément de deux matchs pour éviter de réussir la production offensive attendue de sa part.

Les gens du crime organisé sont excellents pour repérer les maillons faibles des organisations sportives. Tel arbitre ou tel joueur a-t-il des problèmes d’argent? Est-il marié et a-t-il tendance à être infidèle? A-t-il des problèmes de jeu ou de consommation? Un membre de sa famille a-t-il des dettes envers la mafia?

Une fois qu’on réussit à placer un acteur suffisamment important dans une position compromettante, les vannes du chantage sont toutes grandes ouvertes.

L’ancien arbitre de la NBA Tim Donaghy a amplement témoigné à ce sujet. Au début des années 2000, Donaghy aimait bien parier sur les matchs qu’il officiait. Mais quand les organisations criminelles s’en sont rendu compte, elles ont menacé les membres de sa famille et elles l’ont fait chanter pour qu’il leur fournisse de l’information et/ou pour qu’il influence le déroulement des matchs à leur avantage.

Si les soupçons qu’on entretient à l’endroit de Jontay Porter devaient se confirmer, ça ne signifierait pas que le crime organisé avait un pied dans le vestiaire des Raptors. Cela signifierait que la mafia était carrément présente sur le terrain durant les matchs.

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Il y a trois ans, j’avais écrit que la légalisation des paris sportifs et les alliances qui allaient en découler entre les ligues sportives et les maisons de paris allaient ouvrir une boîte de Pandore et créer des problèmes sociaux tant au sein de la population que dans le domaine du sport lui-même.

L’omniprésence des publicités incitant le public à parier a indéniablement créé des problèmes de dépendance au jeu et de détresse financière. Et dans le monde du sport, on assiste désormais à des phénomènes qui étaient rarissimes dans le passé.

Seulement au cours de la dernière année, une dizaine de joueurs de la NFL ont été suspendus en raison d’infractions relatives aux paris sportifs. Un jeune joueur des Sénateurs d’Ottawa, Shane Pinto, a aussi été suspendu pour une quarantaine de matchs, bien que la LNH eût été incapable de prouver qu’il avait parié sur des matchs de hockey.

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Si on ajoute les événements impliquant Shohei Ohtani et son traducteur ainsi que Jontay Porter, cela signifie que les quatre grands championnats nord-américains ont vécu des épisodes négatifs en rapport avec les paris sportifs.

Les ligues doivent se montrer plus répressives envers leurs athlètes et se montrer encore plus vigilantes pour tenir le crime organisé loin de leurs organisations. Mais cela leur convient parfaitement. Elles empochent avec plaisir les millions de dollars que leurs partenariats avec les casinos et les maisons de paris leur rapportent.