•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

ChroniqueLes affaires, le cycle et les séries éliminatoires du hockey junior

Il regarde vers sa droite sur la glace.

L'attaquant du Drakkar de Baie-Comeau Justin Poirier

Photo : Facebook : Drakkar de Baie-Comeau

Année après année, le même scénario se reproduit au premier tour des séries éliminatoires du hockey junior majeur canadien : un balayage n’attend pas l’autre et les amateurs restent sur leur faim.

Au cours des 18 derniers mois, on a vu les dirigeants de la très conservatrice MLB modifier plusieurs règles de jeu afin de rehausser la qualité du spectacle. Et tout récemment, les dirigeants de la NFL ont adopté deux nouvelles règles. Ils ont aboli un type de plaqué susceptible d’infliger des blessures aux joueurs transportant le ballon et ils ont redéfini les règles encadrant les bottés d’envoi afin que cette phase de jeu puisse à nouveau produire des situations spectaculaires.

De façon générale, les dirigeants des ligues professionnelles restent constamment à l’affût de nouvelles façons de rendre leur sport plus sécuritaire, plus facile à arbitrer, plus convivial pour les annonceurs et, surtout, pour enrayer les irritants qui le rendent moins spectaculaire. L’abolition de la ligne rouge dans la LNH, en 2005-2006, constitue un fort bel exemple d’évolution visant à rendre le jeu plus attrayant.

Dans le sport mineur, les règles sont plutôt modifiées pour adapter les équipements et les surfaces de jeu à l’âge et à la taille des athlètes, pour assurer leur sécurité, pour rehausser leur niveau de plaisir et, de plus en plus, pour maximiser le développement de leurs habiletés.

Or, le hockey junior majeur se trouve à cheval sur la frontière qui sépare ces deux univers.

Au Canada, le junior majeur est le dernier palier de développement donnant accès aux rangs professionnels. Et en même temps, les ligues de l’Ouest, de l’Ontario et la LHJMQ sont des entreprises de sport spectacle qui dépendent de la vente de billets et des commandites qu’elles génèrent.

***

Sachant cela, il est assez étrange de constater que le premier tour éliminatoire du hockey junior majeur canadien s’avère probablement le plus prévisible parmi toutes les ligues sportives nord-américaines de haut niveau.

La LHJMQ compte 18 équipes, dont 16 participent aux séries éliminatoires. Exactement comme on le fait dans la LNH, les formations de la LHJMQ qui prennent part au tournoi printanier doivent remporter une série 4 de 7 pour atteindre le tour suivant.

Mario Cecchini

Le commissaire de la LHJMQ, Mario Cecchini

Photo : Radio-Canada / Pascal Raiche-Nogue

Les ligues de l’Ouest et de l’Ontario préconisent aussi cette formule. Jusqu’à présent, 7 des 8 séries de premier tour ont été complétées dans la LHJMQ. Cinq d’entre elles se sont soldées par des balayages de 4-0 et deux autres ont été remportées par des 4 victoires à 1.

Parmi les huit séries inscrites au tableau, la seule qui se soit prolongée est celle opposant l’Armada de Blainville-Boisbriand au Phoenix de Sherbrooke. Le septième match de cette série enlevante sera disputé mardi à Sherbrooke.

(Petite note complémentaire ici : des lecteurs souligneront sans doute qu’une équipe négligée, le Titan de l'Acadie-Bathurst, vient de réaliser un balayage contre les détenteurs du 4e rang de la LHJMQ, les Mooseheads d'Halifax. Et ils argueront probablement que cet exploit découle d’une certaine parité. Or, l’histoire démontre tout le contraire, puisque c’était seulement la deuxième fois en 30 ans qu’une des quatre meilleures équipes au classement était éliminée au premier tour.)

Deux joueurs le long de la bande.

Le Titan de l'Acadie-Bathurst a créé une rare surprise au premier tour des séries de la LHJMQ en balayant les Mooseheads d'Halifax.

Photo : Radio-Canada / François Le Blanc

En Ontario et dans l’Ouest, 11 des 16 séries de premier tour se sont soldées par des balayages ou par des victoires en cinq matchs. Et au moment de publier ce texte, une 12e série à sens unique était susceptible de s’ajouter au lot. Cette situation n’est pas exceptionnelle. Dans chacune des trois ligues, il n’est pas rare de voir les huit équipes éliminées au premier tour remporter moins d’un match en moyenne.

Entre 2014 et 2023*, avec le même format éliminatoire, la LNH a présenté 50 matchs éliminatoires de plus que la LHJMQ, 41 de plus que la Ligue de l’Ontario et 40 de plus que la Ligue de l’Ouest.

Cette disparité dans les ligues de hockey junior majeur signifie deux choses :

  • Les propriétaires perdent collectivement des millions de dollars. Les séries éliminatoires à sens unique génèrent la présentation d’un moins grand nombre de matchs. Et parce qu’il n’y a pas d’enjeu, ces rencontres attirent forcément moins de spectateurs. En séries, ce sont les sixième et septième affrontements qui suscitent le plus d’intérêt et qui génèrent les plus grosses foules.
  • Ensuite, ces écarts considérables entre les niveaux des équipes nuisent au développement des joueurs. Les lecteurs de cette chronique sont familiers avec les concepts de compétition significative ou de zone proximale de développement qui ont été abordés dans plusieurs textes au fil des ans. Pour favoriser le développement d’un athlète, il faut le placer dans des conditions de compétition se situant sur la fine ligne qui sépare la réussite de l’échec. Quand l’écart entre deux adversaires est trop grand, celui qui gagne facilement n’apprend pas à se surpasser. Et celui qui se fait écraser ne progresse guère non plus.

***

Aux yeux de nombreux amateurs et acteurs du milieu, cette disparité importante apparaît comme étant aussi inévitable que la mort et les impôts parce qu’elle est une conséquence de ce qu’on appelle le cycle du hockey junior.

Dans un sport où la maturité physique joue un rôle déterminant et dans une catégorie où l’on retrouve des joueurs de 16 à 20 ans, il n’est pas nécessaire de réaliser de grandes études scientifiques pour comprendre que les équipes misant sur les plus imposants noyaux de joueurs de 19 ans ont de meilleures chances de succès.

Les directeurs généraux amorcent donc le cycle en assemblant des formations fortement composées de joueurs de 16 et 17 ans. Ils cultivent ensuite brièvement leur jardin. Puis, quand leur équipe arrive à maturité, ils vendent leurs futurs choix de repêchage pour acquérir les meilleurs vétérans des formations moins compétitives. Ils approfondissent ainsi davantage leur noyau de joueurs de 19 ans.

Une fois le cycle terminé, les DG échangent les meilleurs vétérans qui leur restent, et ils repartent de plus belle avec une équipe fortement composée de joueurs de 16 et 17 ans.

Cela fait en sorte que dès la période des Fêtes (en raison de la date limite des échanges), on se retrouve avec une ligue à deux vitesses, composée soit d’équipes matures, soit d’équipes plus jeunes.

Ce fameux cycle donne aussi lieu à de folles avalanches d'échanges. Au cours d’une même saison, un pourcentage important de joueurs de la LHJMQ est échangé d’une équipe à l’autre, comme des professionnels, alors qu’ils sont des joueurs-étudiants.

Pour améliorer leurs finances, pour rendre leurs ligues plus compétitives et pour adoucir ces inconvénients, les dirigeants du hockey junior majeur canadien n’auraient pourtant qu’à adopter une règle limitant le nombre de joueurs de 19 ans qu’on puisse retrouver dans une même équipe.

Les joueurs de 19 ans sont les baromètres du hockey junior. En les répartissant de façon égale parmi toutes les formations, les performances des équipes seraient plus constantes d’une saison à l’autre, et il en résulterait une plus grande parité.

Le damné cycle serait ainsi brisé, le premier tour des séries n’aurait pas l’air d’une simple formalité et les joueurs bénéficieraient d’un environnement plus propice à leur développement.

(*) En raison de la pandémie de COVID-19, des séries ont été annulées et/ou des modifications au format des séries ont été apportées lors des saisons 2019-2020 et 2020-2021. Ces deux saisons ont été exclues du calcul.

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Sports

Analyses, chroniques et bien plus encore! Suivez l’actualité sportive au-delà des résultats.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Sports.