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ChroniqueLes déboires du CH et la complexe notion de patience

Un entraîneur et des joueurs de hockey.

Martin St-Louis au moment de réagir derrière le banc des joueurs lors d'une défaite contre les Sabres de Buffalo en février dernier.

Photo : La Presse canadienne / Christinne Muschi

Alors que s’écoulent les dernières heures de la saison 2023-2024 du Canadien, pourquoi ne réfléchirions-nous pas sur une notion extrêmement subjective, c'est-à-dire la patience?

Il y a une dizaine de jours, avec les collègues de Tellement hockey, nous nous étonnions de la patience et du degré d’enthousiasme des partisans aux derniers moments d’une autre saison passée dans les bas-fonds du classement.

Un fier supporteur de l’équipe, Luc Lemire, avait alors promptement réagi sur le réseau social X en dénonçant plutôt le manque de patience des médias. En gros, M. Lemire s’étonnait qu’on puisse suggérer que la patience des partisans soit mise à l’épreuve seulement trois ans après que le CH eut pris part à une finale de la Coupe Stanley. En plus, arguait-il, d’autres organisations font bien pire, par exemple les Red Wings de Détroit, qui n’ont pas gagné une série depuis 11 ans et qui pourraient rater le tournoi éliminatoire pour une huitième année de suite.

Pour conclure, M. Lemire voyait dans notre étonnement une preuve que les médias sont loin des fans et du vrai monde.

Je remercie donc M. Lemire de m’avoir incité à méditer sur l’intéressant concept de la patience.

Quand on y pense, le long assemblage d’un meuble IKEA peut s’avérer un exercice exaspérant pour les uns et tout à fait relaxant pour les autres. De la même manière, attendre son assiette pendant 70 minutes au restaurant peut inciter un couple à s’engager dans une conversation passionnante ou lui donner le goût de quitter les lieux en jurant de ne plus jamais y remettre les pieds.

Tout est une question de point de vue.

***

Dans son appréciation de l’histoire récente du Tricolore, M. Lemire ne tient toutefois pas compte du fait que, tout comme les fabricants de désinfectant pour les mains et de masques chirurgicaux, le Canadien est l'une des entreprises qui ont le plus profité de la récente pandémie de COVID-19.

En 2020, il ne faisait pas partie des équipes qualifiées pour les séries quand il a été invité dans la bulle éliminatoire de Toronto. Et en 2021, l’équipe a maintenu la cadence d’une saison de 86 points durant un calendrier écourté. Si le CH n’avait pas exceptionnellement joué dans une division exclusivement canadienne, il n’aurait pas participé aux séries et encore moins à la finale de la Coupe Stanley.

Le gardien Carey Price est déjoué par une passe devant son filet.

Le Canadien a perdu en cinq matchs en finale de la Coupe Stanley face au Lightning en 2021.

Photo : Getty Images / Mike Carlson

Cela n’enlève rien aux merveilleux moments que cette aventure a fait vivre aux partisans. Mais ce sont les faits. Sans l’aide de la pandémie, le Bleu-blanc-rouge aurait été exclu des séries huit fois en neuf ans et n’aurait remporté aucune série éliminatoire.

Par ailleurs, depuis neuf saisons, il a remporté 296 matchs en saison. Seuls Ottawa, Buffalo, l'Arizona et Détroit ont fait pire. Depuis trois saisons, le CH compte 83 victoires. Seuls Anaheim, Chicago et San José ont gagné moins de matchs. Et cette saison, à deux parties de la fin du calendrier, le Canadien revendique 30 victoires. Columbus, Anaheim, Chicago et San José sont les seuls clubs qui ont gagné moins souvent.

Il y a là-dedans une tendance lourde.

***

Cela dit, on peut comprendre que des partisans et des observateurs voient le verre au tiers plein.

Le service de recrutement de l’organisation (une responsabilité partagée entre l'administration précédente et l’administration actuelle) traverse une des périodes les plus fructueuses de son histoire. En effet, les recruteurs n’ont pas atteint la cible avec autant de précision et de régularité depuis aussi loin que le début des années 1980.

Depuis le repêchage de 2019, tous les choix de premier tour du Tricolore qui ont atteint la LNH (Cole Caufield, Kaiden Guhle et Juraj Slafkovsky) se profilent comme des membres du noyau essentiel de l’équipe. Le temps nous le dira bien assez vite, mais la progression des défenseurs Logan Mailloux (2021) et David Reinbacher (2023) laisse entrevoir qu’ils auront aussi un impact important sur cette équipe.

Un patineur surveille le jeu.

David Reinbacher a joué son premier match dans l'uniforme du Rocket de Laval le 22 mars 2024 contre les Sénateurs de Belleville.

Photo : Freestyle Photography / Jana Chytilova

Ce tableau serait encore plus impressionnant si la précédente administration n’avait pas préféré Jesperi Kotkaniemi à Brady Tkachuk en 2018. Cependant, les recruteurs montréalais auront une occasion de poursuivre sur leur formidable lancée en profitant d’un autre rang de sélection avantageux en juin.

Outre ces choix de premier tour, le défenseur Alex Romanov (sélectionné en 2018) a permis à Kent Hughes d’acquérir le centre Kirby Dach dans un échange important. L’arrivée du défenseur Lane Hutson suscite l’espoir que le CH puisse compter pendant longtemps sur un quart-arrière de premier plan. L’attaquant québécois Joshua Roy se profile comme un futur excellent joueur de la LNH. Et plusieurs jeunes arrières (Struble, Xhekaj, Harris) montrent qu’ils peuvent tenir leur bout dans la ligue.

Par ailleurs, le Canadien a longtemps négligé la position-clé, celle de gardien, en semblant croire que Carey Price allait être éternel. Or, on y trouve maintenant deux titulaires jeunes et valables en Samuel Montembeault et en Cayden Primeau. Et quand on jette un coup d’œil aux échelons inférieurs, il y en a d’autres. Le géant Jakub Dobes montre une impressionnante constance malgré une utilisation soutenue (50 matchs) avec le Rocket. Et dans la NCAA, Jacob Fowler s’est distingué toute la saison comme l'un des meilleurs portiers sur la scène nationale.

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Malgré cette embellie indéniable, l’aiguille collective du Canadien n’a pas tellement bougé cette saison par rapport à l’an dernier. En 2022-2023, l’équipe avait pourtant établi un nouveau record de la LNH quant au nombre de matchs ratés en raison de blessures.

Il a bouclé la saison 2022-2023 au 28e rang et c’est là qu’il se situe avec deux matchs à jouer. Le nombre de buts marqués par rencontre est resté le même. La défense a retranché une trentaine de buts accordés, ce qui est louable, mais elle n’est passée que du 29e au 26e rang dans cet aspect du jeu.

L’unité de désavantage numérique reste largement inefficace et le système de défense hybride que préconise Martin St-Louis semble soit mal compris par ses joueurs, soit mal adapté à sa formation. Il est toujours étonnant de voir de petits attaquants du Tricolore se battre devant leur filet pour empêcher des adversaires de s’y installer pendant que les défenseurs surveillent un joueur posté près de la ligne bleue. Voir les équipes adverses occuper le territoire du Canadien pendant d’interminables présences est par ailleurs devenu un problème récurrent.

Les partisans comme Luc Lemire, que je salue amicalement, se concentrent sur autre chose. Ils voient par exemple que le capitaine Nick Suzuki vient d’atteindre le plateau des 30 buts pour la première fois de sa carrière. Ils se réjouissent évidemment de la fulgurante progression de Juraj Slafkovsky, qui permet de croire que l’équipe pourrait miser sur un premier trio capable d’inscrire 100 buts par saison. Ils doivent de surcroît apprécier le rôle que commence à jouer Alex Newhook dans le groupe d’attaquants de l’équipe.

Les autres partisans voient et apprécient eux aussi tous ces beaux progrès individuels. En même temps, ils se demandent quand les dirigeants du Canadien finiront par convertir en progrès collectifs les actifs que leurs recruteurs leur ont permis d’accumuler au cours des dernières années. Et comme le faisait le légendaire Al Davis, ils se disent : Just win, baby.

Ces gens peuvent-ils vraiment être qualifiés d’impatients? Et les partisans comme M. Lemire, qui sont clairement très patients, cesseront-ils un jour de l’être? On s’en reparle en avril 2025.

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