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Les leçons de Chris Higgins, de Montréal à Vancouver

Un joueur lève les bras et crie sa joie.

Chris Higgins dans l'uniforme du Canadien en 2007.

Photo : La Presse canadienne / Aaron Harris

VANCOUVER – Chris Higgins avait été le choix de premier tour du Canadien en 2002. Un jeune homme brillant qui, sans avoir les habiletés fines les plus spectaculaires, avait un coffre à outils extrêmement varié, lui permettant d’être très utile à une équipe.

Tôt dans sa carrière, certains le voyaient comme un futur capitaine dans la LNH et comme un ailier de premier trio accompli. Or, pour toutes sortes de raisons, Higgins n’a jamais atteint le plein potentiel offensif qu’on voyait en lui. Il a fini par quitter Montréal dans le grand ménage de l’été 2009.

Les choses auraient-elles été différentes si les joueurs de sa génération avaient bénéficié du même encadrement qu’ont ceux d’aujourd’hui?

Mais surtout, y a-t-il des leçons dans le parcours de Higgins, dont la carrière a trouvé un second souffle à Vancouver, qui pourraient être utiles dans le processus de maturation que vit présentement le Tricolore?

Un bandeau annonçant le balado de Radio-Canada Sports : Tellement hockey

Accro à l'imputabilité

Lors du récent passage du Canadien à Vancouver, au mois de mars, il a beaucoup été question de sa volonté d’imiter le bond prodigieux qu’ont fait les Canucks depuis l’état moribond dans lequel ils se trouvaient au début de la saison dernière.

Higgins a passé plus de cinq ans à travailler au développement des joueurs dans l’organisation des Canucks avant d’amorcer récemment une transition vers les médias internes de l’équipe.

À ses yeux, outre l’imbroglio salarial qu’a pu régler l’administration Rutherford-Allvin, trois choses ont changé chez les Canucks, et elles ne sont pas toutes le fruit d’un changement soudain.

Le premier facteur reviendra constamment durant notre conversation : l’imputabilité. Celle imposée par la direction, par l’entraîneur-chef Rick Tocchet, et par les joueurs entre eux.

L’imputabilité est une notion qui est au centre de la courbe de carrière qu’a connu Higgins.

Lorsqu’il a quitté l’Université Yale et qu’il est arrivé dans le vestiaire du Canadien, Higgins a vite été pris de court. Il se souvient d’avoir vu Sheldon Souray courir sur un tapis roulant après qu’ils eurent disputé un premier match préparatoire.

J’étais comme, "mais qu’est-ce que ce gars-là est en train de faire? On vient juste de jouer! Oh OK, j’ai des choses à apprendre."

Ce fut son premier contact avec un niveau auquel il n’avait jamais été exposé auparavant.

Même s’il est Américain, Higgins avait été élevé comme un amateur du Canadien, son père lui avait raconté le folklore des grandes équipes des années 60 et 70, et il avait lui-même suivi les séries de 1993. Se retrouver du jour au lendemain en position de croiser Jean Béliveau ou Henri Richard dans un corridor du Centre Bell lui semblait carrément surréaliste.

J’aurais aimé ne pas être aussi naïf quand je vivais ces expériences-là, mais ça m’a quand même marqué.

Naïf?

Oui, parce qu’à l’époque Higgins voyait le hockey comme un jeu. Cela allait lui prendre quelques années avant de pleinement intégrer l’idée qu’il s’agit d’un travail, et qu’il y avait un haut niveau d’engagement et de préparation à atteindre pour se donner une vraie chance de gagner.

À ses premières années, Higgins entendait s’amuser.

Je ne voulais pas terminer ma carrière et me dire que j’aurais dû profiter davantage du fait d’être un joueur de la LNH, a-t-il confié. Ç’aurait été plus tragique parce que j’aurais eu une tonne de regrets. Et je n’en ai aucun.

Il assure que ses virées nocturnes étaient bien moins fréquentes que le suggéraient les ragots de l’époque, et qu’elles n’ont pas eu d’incidence sur ses performances.

Je m’amusais une ou deux fois par mois, je choisissais mes moments, mais j’y allais à fond et j’avais vraiment du bon temps, dit-il avec le sourire.

Ce qui fut plus pénible, en revanche, c’est la transition du jeune joueur insouciant à celui qui veut se montrer imputable et garant des succès de l’équipe alors qu’il traverse des moments plus difficiles.

Quand les choses vont mal et que des articles négatifs sont écrits à ton sujet, et que les amateurs ne réagissent plus de la même manière à ton endroit, tu apprends à te sortir du trou et ça devient une compétence précieuse à mesure que tu avances dans ta carrière, explique Higgins.

Ces jeunes-là, ils vont apprendre sur le tas et parfois ce sont des leçons douloureuses, ajoute-t-il en faisant référence aux Nick Suzuki, Cole Caufield, Juraj Slafkovsky et autres qui vivent aujourd’hui les mêmes apprentissages.

À Montréal, Higgins était devenu avec le temps d’une candeur désarmante. Il n’hésitait pas à se flageller publiquement au moment de critiquer son jeu. C’était sa façon d’exprimer de l’imputabilité.

Quand tu es plus jeune et que tu n’as pas ces outils pour t’aider à redémarrer ton jeu dans un marché où la pression est forte, la pire sensation pour moi était d’avoir l’impression de laisser tomber mes coéquipiers.

Une citation de L'ancien attaquant du Canadien Chris Higgins

Si je jouais mal, ajoute Higgins, ce n’était pas tant que j’étais en colère contre moi-même, c’était plus que j’avais montré à mes coéquipiers que je ne performais pas et qu’ils ne pouvaient pas compter sur moi.

Ouf. En voilà un qui aurait eu besoin du préparateur mental Jean-François Ménard.

Quand le Canadien est arrivé à la croisée des chemins en 2009 et qu’il a fait maison nette au sein de son noyau, Higgins a été échangé en même temps que l’espoir Ryan McDonagh aux Rangers de New York en retour de Scott Gomez. Il a roulé sa bosse pendant deux ans, entre autres avec les Panthers de la Floride, où l’absence d’imputabilité a rendu l’expérience insatisfaisante. C'est après avoir quitté Montréal qu'il avait réalisé (parfois à la dure) qu’il lui fallait rendre des comptes afin de sortir le meilleur de lui-même.

Puis il est arrivé à Vancouver à la date limite des transactions en 2011, tout juste avant que les Canucks entament une épopée qui allait les mener à une victoire de la Coupe Stanley.

Quand je suis arrivé ici, dit Higgins, je n’avais jamais senti une équipe, dans tous les départements de l’organisation, avec une telle volonté de gagner. J’ai trouvé ça enivrant.

Deux joueurs bras dessus bras dessous se réjouissent.

Higgins en compagnie de Kevin Bieksa célébrant la conquête du titre de l'Association Ouest de la LNH en 2011.

Photo : The Canadian Press / Jonathan Hayward

Sentir qu'on est une équipe

Les frères Sedin. Roberto Luongo. Ryan Kesler. Kevin Bieksa. Dan Hamhuis. Alexandre Burrows. Alexander Edler. Chris Tanev.

Il y avait du leader au pied carré à Vancouver.

Je n'ai jamais autant senti que j'étais censé être à un endroit précis que lorsque j'ai été échangé ici, et que j'étais entouré d'un groupe qui se poussait et qui se montrait redevable. Tout ce qu'ils voulaient, c'était gagner.

Ce commentaire ne se veut pas une critique de vétérans comme Souray, Saku Koivu ou Craig Rivet qui, assure-t-il, ont eu un impact positif sur sa carrière à Montréal, mais ne serait-ce qu’en termes de nombres, cela n’avait aucune commune mesure.

Et puis, on ne peut s’empêcher de faire implicitement la comparaison entre la culture qui était implantée à Vancouver et ce que Higgins avait vécu à Montréal. Le début des années 2000 avait été celui des cliques, des Trois Amigos, des fréquentations douteuses des frères Kostitsyn, de la fronde contre l’entraîneur-chef Guy Carbonneau…

Bref, un cirque.

Chez les Canucks, Higgins a eu le sentiment de faire partie d’une véritable équipe. C’est ce qu’il observe d’ailleurs au sein de l’édition actuelle et qu’il considère comme l’une des sources de ses récents succès.

C'est difficile de se sentir comme une équipe quand on ne connaît pas de succès, a convenu Higgins. Les gars se mettent tout naturellement à se diviser et à devenir plus égoïstes. Et c'est ce qu’on a vu ici pendant quelques années. Je pense que l’équipe a eu sa précieuse dose d'humilité, et là on joue les uns pour les autres et chacun est humble dans son rôle.

Alors que le Canadien sous Martin St-Louis tente d’établir ses propres standards et que le niveau d’imputabilité est encore incertain, on peut au moins dire sans se tromper que l’esprit de corps décrit par Higgins a été bien entretenu.

Lorsqu’il jouait lui-même à Vancouver, les Canucks ne cultivaient aucune hiérarchie et tout le monde se souciait de tout le monde. Cela dit, ils n’avaient cure des ambitions personnelles de chacun.

C’est sûr que tout le monde voulait jouer, tout le monde voulait être LE gars, tout le monde voulait être la raison pour laquelle on gagnait, mais tout ça passait toujours après le succès de l'équipe. Et je me suis rendu compte que je n’avais jamais assez de cette attitude-là.

Higgins avait peut-être laissé filer ses meilleures années, et il n’allait plus jamais marquer 27 buts comme il l’avait fait avec le Canadien. Mais il demeurait rapide, hargneux dans les coins de patinoire, capable de marquer des buts, responsable dans les deux sens de la patinoire et très efficace en infériorité numérique. Il en avait encore à donner, et les cinq saisons qu’il a passées à Vancouver rivalisent dans son cœur avec celles de Montréal comme étant ses années préférées.

Un joueur de hockey

Le nouveau capitaine des Canucks, Quinn Hughes

Photo : The Canadian Press / DARRYL DYCK

Un bassin de talent rehaussé

Rendre des comptes à ses coéquipiers pour se dépasser et sentir un esprit de corps au milieu d’eux sont donc à la fois des éléments que Higgins a appris à rechercher au fil de sa carrière et des facteurs qui expliquent la renaissance des Canucks.

II y en a un troisième selon lui, beaucoup plus visible à l’œil nu.

Le bassin de talent s’est amélioré, constate Higgins. On a amené du monde plus talentueux. Pendant un certain nombre d’années, la moitié de l’équipe, selon moi, n’était pas des joueurs de la LNH, c’était des joueurs du niveau de la Ligue américaine.

Le Canadien veut s’inspirer des Canucks pour faire un bond en avant la saison prochaine, mais peut-on faire le même constat dans sa formation?

Les Canucks ont toujours eu des joueurs de pointe assez intéressants, et ceux qui forment le noyau actuel – les Quinn Hughes, Thatcher Demko, J.T. Miller, Elias Pettersson et Brock Boeser – sont pour l’instant supérieurs à ce que le Canadien a à offrir. Cette réalité ne changera probablement pas en l’espace d’un été.

C’est surtout le personnel de soutien des Canucks qui a élevé le plancher de l’équipe.

Sans étiqueter certains joueurs plus ou moins réguliers du Canadien de joueurs de la Ligue américaine, il faudra voir à quel moment les joueurs de type Jesse Ylönen cesseront d’être des projets en développement et qu’ils seront simplement remplacés par du meilleur personnel.

Les Canucks de cette année ne sont pas une si jeune équipe, certainement pas aussi jeune que le Canadien, mais leur noyau de jeunes vétérans n’a jamais appris à gagner. C’est pourquoi un vieux routier comme Ian Cole a été ajouté pour aider à cet apprentissage.

Plusieurs de ces gars-là n'ont connu que le manque de succès, et je pense que ça s'est accumulé chez plusieurs d’entre eux, en particulier chez Quinn Hughes, qui a pris le rôle de capitaine. Je pense qu'il a décidé que ça suffisait.

À cet égard, le parallèle avec le Canadien est facile à tracer. On peut aisément imaginer le jour où Suzuki et consorts en auront assez de ne pas gagner eux non plus.

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