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Une joueuse de hockey avec un chandail bourgogne regarde vers le haut

Marie-Philip Poulin – Je n’ai pas dit mon dernier mot

« L’engouement pour notre ligue est là, ce n’est pas seulement l’effet de nouveauté. Ça va durer et c’est vraiment magique. »

Signé par Marie-Philip Poulin

L’autrice est capitaine de l’équipe de Montréal dans la Ligue professionnelle de hockey féminin (LPHF). Avec l'équipe canadienne, elle a marqué le but gagnant dans trois matchs pour la médaille d’or aux Jeux olympiques.

Je n’ai pas pu retenir mes larmes.

Je ne sais pas si c’est l’âge, mais on dirait que je deviens plus émue dans ces situations.

C’est difficile de mettre en mots ce que j’ai ressenti quand j’ai sauté sur la patinoire de l’Auditorium de Verdun, le 13 janvier dernier, pour le match d’ouverture local de notre équipe.

La foule a été incroyable, mais c’est plus que juste l’ovation qui m’a mise dans cet état. Cette émotion, ça représentait des années d’efforts. Ce moment, j’y ai longtemps rêvé et, enfin, nous y étions.

Quand j’ai vu de grandes femmes comme Caroline Ouellette, France St-Louis, Kim St-Pierre et Danielle Goyette arriver sur la patinoire, j’ai eu des frissons. J’étais tellement contente que les gens les reconnaissent et leur offrent l’ovation qu’elles méritent. Sans elles, je n’aurais pas eu la même carrière.

Je vais être honnête : à un certain moment, j’ai eu peur que ce moment n’arrive jamais. Ça a pris plus de temps que prévu. Oui, il y a eu ces showcases, des fins de semaine où des matchs étaient organisés dans différentes villes, mais ça n’avait rien à voir avec une vraie ligue professionnelle.


Je me souviens de la première fois où je suis venue voir les installations à Verdun avec Danièle Sauvageau. Il n'y avait presque rien de fait. Nous avions nos bottes de travail et nos casques de construction. Elle avait une vision qu’elle m’expliquait en détail. Mais j’avais vraiment du mal à me l’imaginer.

Nous avons toujours cru en notre projet, mais quand il est question de hockey féminin, nous avons parfois l’impression de partir avec deux prises contre nous. L’appui est incroyable, mais les dénigreurs prennent aussi beaucoup de place, tellement que nous en venions à nous demander si nous allions vraiment vendre des billets. De voir qu’il y a autant de partisans qui nous suivent, de voir des petits gars, des petites filles et des familles complètes derrière nous, c’est vraiment touchant.

Une joueuse avec un chandail bourgogne tient une rondelle dans ses mains et remercie la foule qui l'applaudit.

Marie-Philip Poulin salue la foule après un match de l'équipe de Montréal.

Photo : LPHF Montréal/Arianne Bergeron

Nos partisans sont les meilleurs. Des amies qui jouent dans les autres équipes me l’ont dit. Ce n’est pas une foule comme une autre à Montréal. Elle est bruyante, elle est investie. C’est important pour moi de redonner aux gens qui se déplacent. Je suis maintenant plus à l’aise dans ce rôle. C’est l’expérience qui rentre, il faut croire.

Avant une entrevue en direct à Radio-Canada lors d’un entracte à l’Auditorium de Verdun, un garçon m’appelait pour m’offrir une friandise. Il m’en a lancé une et je l’ai attrapée au vol avec ma bouche. J’ai commencé mon entrevue malgré tout, le sourire aux lèvres et la bouche pleine. Ça fait partie de mon identité, de ma personnalité. L’interaction avec les jeunes est vraiment importante à mes yeux.

L’engouement pour notre ligue est bien réel. Je le sens. Je l’entends aussi. À Ottawa, je me suis fait huer lorsque je me suis élancée pour un tir de pénalité. Me faire huer chez moi, au Canada, j’avoue que c’est une première! C’est bizarre, mais ça ne me dérange pas. Après tout, c’est ce que nous voulions : une ligue compétitive, des rivalités et des partisans qui s’identifient à leur ville.

Après un match au Minnesota, nous sommes allées prendre une bière. Des pères de famille venaient nous voir pour nous dire à quel point ils étaient emballés de voir du hockey féminin professionnel. Je voyais comment ils étaient contents pour nous. C’était au Minnesota, nous sommes l’équipe de Montréal et, malgré tout, nous attirions l’attention.

Cette anecdote m’a fait réaliser à quel point notre situation n’a rien à voir avec ce que nous avons vécu dans le passé. L’engouement est là et j’ai bien l’impression que ce n’est pas seulement l’effet de nouveauté. Ça va durer et c’est vraiment magique.


On me parle beaucoup de ce match du 20 janvier dernier, contre Toronto. En fait, on me parle surtout de ce but marqué avec 17 secondes à jouer en troisième période et que nous perdions par un but. Honnêtement, je ne sais pas ce qui s’est passé. J’ai fait un blackout. C’est rare que je prenne la rondelle et que j’essaie de me rendre au but toute seule. J’ai vu une ouverture. Ce n’était pas prémédité. J’étais la première surprise quand j’ai marqué.

Ensuite, j’ai été envoyée à quatre reprises en fusillade par mon entraîneuse. Je n’étais évidemment pas prête à ça. Ça m’a pris un peu par surprise. Ce n’est pas mon règlement préféré, mais je vais m’y habituer.

J’étais brûlée après ce match. C’est beaucoup d’adaptation. Les matchs de la LPHF, la Série de la rivalité entre le Canada et les États-Unis, les voyages... Nous n'avons pas l’habitude d'avoir une aussi grosse charge de travail. Il faut bien se préparer, mais s’assurer de bien récupérer aussi. C’est la beauté de cette ligue. Ça me permet de continuer à me dépasser, d’apprendre de nouvelles choses.

Je suis bien consciente que les gens s'attendent à ce que je fasse la différence, mais ce qui m’aide justement, c’est que ce n’est pas à ça que je pense.

Elle lève les bras en l'air pour célébrer un but.

Marie-Philip Poulin

Photo : LPHF Montréal/Arianne Bergeron

J’aime le hockey. J’adore ça. Et ce que je préfère, c’est quand le pointage est serré. J’aime quand il faut que tu en donnes un peu plus, quand tu dois vider le réservoir. Quand ça compte vraiment, c’est là que je suis au mieux. Ça m’allume.

Mes parents m’ont toujours dit : Tu pratiques comme tu joues. Ça m’est toujours resté en tête. Je ne tiens rien pour acquis. Je suis consciente de la pression, mais j’ai appris à la gérer avec les années. Je n’oublie pas que c’est un sport d’équipe. Je suis chanceuse d'avoir pu réaliser certains de ces grands moments, mais je sais que je ne suis pas seule là-dedans.

J’en ai eu, des médailles olympiques, mais j'ai aussi perdu des championnats du monde. Je me suis même déjà demandé si j’étais capable d’en gagner un. Les Jeux olympiques de 2018 ont sans doute été le moment le plus difficile de ma carrière. Je me cachais quasiment. Je ne voulais voir personne. Je pensais que j’avais déçu le monde entier en ne réussissant pas à rapporter la médaille d’or.

J’ai aussi appris à ne pas tout lire, à laisser certains commentaires de côté. Le hockey, c’est tellement un sport difficile. Tu peux faire la même chose à toutes les parties, mais le rebond n’ira pas de ton côté, ça ne fonctionnera pas ou la gardienne adverse sera en feu. Je garde en tête que si tu donnes ton maximum à tous les matchs, ça va arriver.

Les gens s’attendent à ce que je marque des buts, mais je ne suis pas que ça. Je prends beaucoup de fierté à bloquer des tirs, à lever des bâtons en repli défensif. Je peux encore améliorer mon jeu défensif. Pour gagner des championnats, tu dois compter, mais les petits détails en zone défensive vont faire la différence.


Quand les trois embauches initiales de l’équipe de Montréal ont été annoncées il y a quelques mois, je sais que des doutes ont été soulevés. Ann-Renée Desbiens et Marie-Philip Poulin, les deux filles d’ici, c’était une évidence pour plusieurs.

Deux joueuses se serrent dans leurs bras sur la glace après un but.

Marie-Philip Poulin et Laura Stacey célèbrent un but ensemble le 2 janvier, contre Ottawa

Photo : LPHF Montréal/Arianne Bergeron

Même si elle est dans l’équipe nationale depuis longtemps et qu’elle est l’une des meilleures joueuses au monde, Laura Stacey est moins connue des amateurs québécois. Pourquoi elle, se sont-ils alors demandé?

Je savais pertinemment que Danièle Sauvageau ne l’avait pas choisie parce que c’est ma fiancée. Laura, c’est une joueuse incroyable. Une réelle attaquante de puissance qui a une discipline remarquable.

Elle a choisi de déménager dans une autre province. Elle apprend la langue et n’hésite pas à essayer de faire des bouts d’entrevue en français. Ce n’est pas facile, mais elle embrasse sa nouvelle réalité.

Je suis fière d’elle. Je suis fière de la voir faire des promotions pour les médias en français. Je suis fière que les gens découvrent sa personnalité, la joueuse qu’elle est et que les Montréalais tombent en amour avec elle parce qu’elle le mérite réellement.


On me demande souvent pourquoi je continue.

Je ne suis pas obligée de jouer au hockey. Je le fais parce que j’adore ça. C’est sur la glace que je me sens le mieux.

J’ai les médailles d’or olympiques, les médailles d’or au Championnat du monde. Je veux maintenant gagner un titre de la LPHF à Montréal, à la maison.

Avoir un impact positif sur la prochaine génération, c’est devenu ma priorité. De voir les petites filles dans les gradins, avec des étoiles dans les yeux, ça vaut plus que des championnats, ça vaut plus que des médailles.

Éventuellement, je veux fonder une famille. Ce serait dans mes prochains projets. Nous adorons les enfants, alors c’est vraiment important pour nous.

Pour le moment, c’est encore le hockey avant tout.

J’ai peut-être 32 ans, mais je n’ai pas dit mon dernier mot.

Une femme avec un chandail rouge et une tuque noire sourit avec un ballon de soccer dans les mains.

Marie-Philip Poulin s'amuse pendant un entraînement hors glace

Photo : LPHF Montréal/Arianne Bergeron

Propos recueillis par Christine Roger

Photo d'entête par LPHF Montréal/Arianne Bergeron