L’arme du crime : un portrait préoccupant
En diffusion sur ICI Télé le samedi à 20 h du 24 février au 16 mars 2024
La violence armée présente dans nos rues vous inquiète, avec raison. « Le phénomène est tellement répandu qu’on ne peut plus l’ignorer, même si ça fait peur », indique Manuelle Légaré, productrice de la série documentaire L’arme du crime, animée par le journaliste Simon Coutu. Le constat est peu reluisant. On en a discuté avec elle.
Un texte de Lisa Marie Noël
Dans cette série documentaire en quatre épisodes, l’équipe fait le tour du phénomène en parlant à toutes les personnes concernées. Oui, toutes. Les autorités policières, les organismes communautaires, les familles des victimes et même des revendeurs d’armes et des jeunes gangsters armés témoignent de leur réalité.
En diffusion sur ICI Télé le samedi à 20 h du 24 février au 16 mars 2024
Aujourd’hui, ça marche par la peur. Si tu n’as pas d’arme à feu, tu es une victime
, déclare une source, cagoulée, interviewée par le journaliste Simon Coutu.
Comment l’équipe a-t-elle réussi à approcher ces multiples sources et à leur parler, alors que plusieurs d’entre elles risquent leur sécurité?
Regardez L'arme du crime, une enquête sur le trafic d'armes à feu illégales
Gagner la confiance des familles bouleversées
Le point de départ a été la mort d’une jeune de 15 ans, Meriem Boundaoui, le 7 février 2021. Quand on a voulu s'intéresser à la violence armée, c’est le visage qu’on avait en tête tout le long
, mentionne Manuelle Légaré.
L’adolescente a été une victime innocente, au hasard d’une dispute qui a tragiquement dégénéré en fusillade. Ce meurtre a choqué la population. Après elle, il y a eu d’autres victimes innocentes.
Ce genre d’événement laisse les familles bouleversées et meurtries. Elles ont tout de même choisi de témoigner, même si ça les faisait replonger dans de grandes douleurs.
Dans le premier épisode de L’arme du crime, Simon Coutu rencontre Mustapha Ouahdi, un père en colère d’avoir injustement perdu son fils de 20 ans, criblé de balles.
Le jour, je ne parle que de mon fils, et la nuit, je me précipite pour dormir en espérant que je vais rêver de lui. Croyez-moi, c’est ça ma vie maintenant.
Gagner la confiance des organismes communautaires
S’il y a une chose dont Manuelle Légaré est convaincue, c’est que les organismes communautaires font partie de la solution lorsqu’il est question de la désescalade de la violence armée. Elle voulait leur donner la parole. Certains organismes étaient d’abord réticents.
Les organismes communautaires de Montréal-Nord n’accordent pas beaucoup d’entrevues parce qu’ils ont souvent été échaudés. Ils se sentent stigmatisés et parfois utilisés pour avoir accès à des jeunes
, mentionne Manuelle Légaré. Ce n’était aucunement l’intention de la production.
Plusieurs rencontres sans caméra ont été nécessaires pour gagner leur confiance. Les organismes voulaient comprendre les motivations derrière le documentaire.
On n’avait pas une idée préconçue. Je pense que c’est ça qui les a séduits. […] Ils voulaient aussi avoir la parole, et c’est ce qu’on voulait faire.
Gagner la confiance des jeunes armés
L’un des tours de force de cette série est de donner la parole à des personnes baignant dans le monde des armes illégales.
Simon Coutu a rencontré un jeune actif dans les gangs de rue depuis une dizaine d’années, ainsi qu’un gangster repenti et un revendeur d’armes. Ces tournages étaient effectués en équipe réduite.
Et jusqu’à la dernière minute, tu te demandes si la personne va se présenter au tournage… beaucoup d’entrevues n’étaient pas acquises
, indique la productrice.
Un lien de confiance mutuelle a été établi entre ces sources de milieux aux activités illicites et l’équipe de production, qui s’est engagée à protéger leur anonymat pour leur sécurité.
Qu’est-ce qui les motive à parler? On a gagné leur confiance. Pour certains, c’est de l’ego, pour d’autres, ils sont contents qu’on leur tente le micro. Parce que ce sont des gens dont on n’entend jamais parler.
Les gens ont besoin de témoigner de leur mode de vie. Je pense qu’ils ne sont jamais écoutés, jamais.
Le constat est troublant.
Avant, c’était différent. Maintenant, les jeunes sont plus violents
, révèle une source anonyme active dans les gangs de rue. C’est inquiétant si l’on considère que cette personne n’a même pas 25 ans.
Un kid à 15 ans avec une arme à feu, il y a là un échec social.
Il ne faut pas penser que les armes vont disparaître de la rue. Elles sont là
, déclare Manuelle Légaré. Elle refuse toutefois d’être défaitiste après cette immersion dans ce monde dont elle ne soupçonnait pas l’ampleur. Plusieurs pistes de solutions sont déjà en branle.
Tout le monde est d’accord pour dire que la police ne va pas y arriver seule.
Les actions qu’elle fait de concert avec les écoles et les organismes communautaires sont primordiales, mais le financement manque cruellement.
L’école est un lieu qui socialise les jeunes, qui les éduque, qui les protège, qui leur donne un sentiment d’appartenance qui fait qu’ils ne vont pas chercher une famille à l’extérieur, dans des gangs
, dit Manuelle Légaré.
Selon elle, il est inutile de se mettre la tête dans le sable. « J’espère que les gens vont regarder cette série avec une ouverture. Ça ne fait pas de Montréal une ville violente. Montréal n’est pas une ville violente […], mais il y a une culture [de violence armée] qui s’en vient chez nous. »
4 épisodes de 60 minutes
Avec le journaliste Simon Coutu
En ligne sur ICI Tou.tv Extra à partir du vendredi 22 décembre 2023
En diffusion sur ICI Télé le samedi à 20 h du 24 février au 16 mars 2024
Réalisation : Catherine Proulx
Production : Guillaume Lespérance et Manuelle Légaré