Un jeune chef à l'uvre [reportage du 29 janiver 2004]
Morue nappée de sauce au concombre
mariné, baies roses et basilic... caille rôtie
au jus de viande à la cardamome, réduction
de balsamique... saumon avec une émulsion froide
de concombre et de limette... Celui qui concocte ces
plats appétissants vient à peine d'avoir 19 ans.
Francis Rivard est le chef responsable de la cuisine du
midi au bistro Vert lime, à Montréal.
« C'est
"le fun" d'avoir ce poste-là et la liberté
de faire ce que je veux en cuisine, confie Francis. Oui, il
faut que je dirige des gens, mais je ne connais pas tout et
j'ai encore beaucoup à apprendre. Mon patron me laisse
faire les plats le midi et gérer la cuisine. Tout en
ayant un il dessus, évidemment, parce que je
ne suis pas né dans une famille de cuisiniers! »
« Je
ne sais pas de qui il tient ça, lance sa mère,
Francine Devost. Peut-être de moi. Je faisais beaucoup
de cuisine à l'époque, mais pas de la cuisine
gastronomique, pas avec cette curiosité qu'a Francis.
Par contre, je ne suis pas le type de personne qui fait la
nourriture avec un livre de recettes. J'ai beaucoup de difficulté
avec ça. Je suis une personne très rapide. Je
cuisine surtout avec l'intuition et j'ai l'impression que
Francis a ça aussi, un petit peu. Il est très
visuel, il regarde, et après il transforme le plat
selon son goût à lui. »
« J'ai
commencé à travailler tôt au restaurant
d'une amie de ma mère, raconte Francis. À 14
ans, j'ai commencé par laver la vaisselle. Quand je
suis parti de là, j'avais 17 ans et j'étais
en charge de la cuisine la fin de semaine. Cinq personnes
travaillaient avec moi. Dans le temps des fêtes, on
pouvait servir 450 déjeuners par jour. C'est vraiment
là que j'ai commencé lentement à monter
en grade et à m'intéresser de plus en plus à
la cuisine. »
Qu'aimait-il déjà, si tôt, à 14 ans?
« Je ne sais pas, répond-il. Peut-être
l'ambiance d'une cuisine. J'aime les gens qui passent, qui
courent autour de moi, les échanges rapides. J'aime
l'ambiance sonore d'une cuisine. »
Francis
Rivard entre à l'École d'hôtellerie de
Laval à 17 ans. Il fait ensuite son stage au réputé
restaurant La Chronique, à Montréal, sous
la supervision du chef Marc de Canck. Nous avons demandé
à ce dernier d'énumérer les qualités
et les défauts de Francis : « Comme
qualités, il avait une bonne synthèse du travail.
Il maîtrisait la propreté et avait une ouverture
d'esprit très grande. Il voulait vraiment apprendre
beaucoup, beaucoup la gestion de la cuisine, parce que nous
sommes des gestionnaires aussi, nous ne faisons pas seulement
de la nourriture. Ses défauts? Je ne m'en souviens
pas. »
Si
les chips de saumon fumé donnent du fil à retordre
à Francis, pas question cependant de baisser les bras :
« Il aurait fallu que je les fasse cuire dans un
four plus bas et plus longtemps, affirme-t-il. Je veux vraiment
qu'elles soient croustillantes. J'y goûte et si ce n'est
pas bon, je recommence. Ça peut arriver que ce ne soit
pas bon. Je recommence. Mais on s'en rend compte avant que
ça arrive jusqu'au client. »
Comment
définit-il sa cuisine? « J'aime travailler
avec des produits les plus frais possible et faire un roulement
dans le choix des plats. Je ne veux pas faire tout le temps
la même chose. Je veux que les gens aient le choix,
que ce soit varié. Je ne cuisine rien de lourd. Je
prépare plutôt des émulsions, des huiles,
des petites sauces légères. Par exemple, un
jus de viande à la cardamome pour la caille rôtie,
une réduction de balsamique comme décoration
et une émulsion de concombre et limette pour aller
avec le saumon frais mi-cuit. C'est toujours l'inspiration
du moment. C'est ça qui est "le fun", c'est
là-dedans que je m'éclate pour pouvoir faire
ce que je veux. J'ai cette liberté-là. »
Où
se voit-il, dans 10 ans? « C'est sûr
que ça va être en cuisine, en restauration. »
Dans 20 ans? « Ça me donne 39 ans,
ça? Je serai encore en cuisine! » lance
résolument Francis.
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